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concessionnaires de parcs ne se contentent pas d’ensemencer le sable des crassats, ils ont en outre des frais considérables de surveillance et d’entretien, et quelques-uns d’entre eux ont à lutter contre de sérieuses difficultés. Sur chaque huîtrière se balance à marée haute et s’engrave à basse mer un lourd ponton, espèce de caisse goudronnée que doit habiter le gardien chargé de protéger la concession contre les pêcheurs braconniers. À cette première dépense, qui représente déjà près de 100,000 francs pour toute l’étendue du bassin, il faut ajouter celles que nécessitent rétablissement et la réparation des appareils collecteurs ainsi que l’achat du renouvelain. Ce n’est pas tout : les éleveurs doivent encore veiller à ce que les coquilles des jeunes huîtres ne deviennent ni trop plates ni trop irrégulières, et dans la double intention de leur donner la forme voulue et de hâter leur développement, ils font détroquer, c’est-à-dire détacher les uns des autres les individus qui sont agglomérés en grappes. Et puis tous les crassats ne conviennent pas également à l’ostréoculture : les uns, trop vaseux, communiquent un mauvais goût à la chair de l’animal ; les autres, composés de sables trop purs, ne l’engraissent pas assez rapidement ; d’autres encore restent trop longtemps à découvert pendant la période du reflux, et les huîtres, laissées périodiquement à sec, ne peuvent se développer qu’avec lenteur. Enfin, pour énumérer les principaux obstacles qui s’opposent à l’extension de la nouvelle industrie, il faut ajouter que l’huître a d’innombrables ennemis parmi les êtres qui l’entourent. Sur le million de germes que la mère laisse échapper comme une espèce de pollen, presque tout est dévoré au passage, et quelques individus seulement ont la chance de se fixer et de croître sur une coquille ou sur une branche. Ceux-là mêmes qui parviennent à prendre un point d’appui et à se développer ne sont pas à l’abri du danger : dès qu’ils ouvrent leurs valves, l’ennemi s’approche. Des mollusques de diverses espèces en font leur pâture ; parfois, si l’on en croit le témoignage des pêcheurs, les crabes, ces terribles ravageurs de la mer, se glissent sournoisement à côté de l’huître entre-bâillée, avancent avec précaution l’une de leurs pinces, puis d’un élan soudain la posent sur le muscle de l’animal, et, devenus maîtres de leur proie, la dégustent à loisir. Il n’est pas jusqu’aux crevettes qui ne fassent aussi la chasse aux huîtres de petite taille.

Les réservoirs à poissons établis récemment près de la rive septentrionale et sur d’autres points du littoral de la baie donnent un bénéfice plus sûr et plus constant que les huîtrières ; mais ils demandent une première mise de fonds très considérable pour la construction des digues, des levées, des écluses destinées à enfermer le poisson. Sous peine d’insuccès, les ingénieurs chargés de l’établissement