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et l’île aux Oiseaux, est encore plus grande que celle du Ferret, et la profondeur y varie de 8 à 20 mètres. Sans compter la rade de Moullo, située au sud du bassin proprement dit, dans le goulet d’entrée, et trop exposée aux vents d’ouest, les mouillages d’Arcachon occupent ensemble une superficie de près de 700 hectares ou 7 kilomètres carrés. D’après les calculs de l’ingénieur Pairier, sept mille cinq cents navires de 800 tonneaux pourraient y trouver place. Au lieu de cette immense flotte, sept fois plus considérable par le tonnage que toute la marine commerciale de la France, on n’aperçoit dans la vaste étendue des eaux que des chaloupes, des barques, des pontons épars, et devant la plage des bains quelques yachts de plaisance.

La solitude relative des excellentes rades du bassin d’Arcachon peut sembler d’autant plus étonnante que sur cette côte des landes, qui offre un développement total de 230 kilomètres environ, il n’existe pas un seul autre port où puissent entrer les navires. Au nord, au sud de la passe d’Arcachon, le rivage se prolonge d’un côté jusqu’à l’embouchure de la Gironde, et de l’autre jusqu’à l’Adour, en formant des sinuosités tellement faibles que sur nos cartes on les dessine en ligne droite et que les navigateurs du large ne peuvent en reconnaître la position, si ce n’est à la vue d’un phare ou d’une balise. Nulle part, sur tout le littoral de l’Europe, il n’existe de plage aussi complètement dépourvue d’abris ; mais aussi, par un singulier contraste, c’est précisément vers le milieu de cette côte inhospitalière que s’ouvre l’un des havres intérieurs les plus vastes du monde. Comme port de commerce, il doit nécessairement demeurer à peu près inutile, tant que les landes voisines ne fourniront pas à l’exportation des produits considérables ; mais, comme bassin de refuge, ne devrait-il pas donner un asile à tous les bâtimens que la tempête surprend au large et dont un certain nombre périssent chaque année sur les sables de la côte ? Et, puisque les guerres sont encore parmi les redoutables éventualités de l’avenir, n’est-il pas absolument nécessaire, comme mesure de défense nationale, de ménager une retraite assurée aux navires de guerre ou de commerce poursuivis par les croiseurs ? De 1809 à 1814, alors que les navigateurs américains persistaient à trafiquer avec la France en dépit du blocus des côtes, vingt-trois navires des États-Unis, jaugeant ensemble près de 5,000 tonneaux, vinrent chercher un refuge dans le bassin d’Arcachon et y débarquèrent leurs marchandises à destination de Bordeaux. Pendant le même espace de temps, un seul bâtiment français s’était risqué sur la barre pour échapper à l’ennemi.

Malheureusement la petite mer intérieure des landes, qui pourrait