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adressées, quel que fût leur emploi. Elles se multiplièrent, prenant tour à tour les formes impératives de l’autorité la plus exigeante ou celles d’une familiarité singulière.

Toutefois ce n’est pas la mise sur pied d’un personnel aussi nombreux et aussi actif employé au service des candidatures officielles qui donne la mesure de l’intervention du gouvernement dans la lutte électorale. En pleine paix, sans être menacé au dehors ni inquiété au dedans, fondé à croire et habitué à répéter qu’il jouit de la pleine confiance du pays, il a tenu un langage qui ressemblait parfois à un cri de guerre. L’emploi de la formule d’accusation: « voter pour le candidat opposé au candidat du gouvernement, c’est voter contre l’empire et l’empereur, » a fait le tour de la France sous des formes tantôt adoucies, tantôt au contraire plus accentuées. Dans la Haute-Saône, il s’agit de se débarrasser d’un député associé à la proclamation de l’empire, dont l’élection était signalée par son préfet, il y a six ans, comme un nouveau gage de fidélité des électeurs : sous quels traits le préfet de 1863, malheureux du reste dans sa campagne, le dénonçait-il aux populations? « Rappelez-vous que si Napoléon Ier prononçait, mais trop tard, ces paroles : « les blancs sont toujours blancs, » c’est que, sous quelque déguisement qu’ils se cachent, les ennemis de l’empire sont toujours reconnus.» Et, se préparant au rôle de sacrificateur, le premier magistrat du département continuait ainsi sa harangue: « Vous jugerez si l’administration calomnie votre député lorsqu’elle livre à votre justice ses actes et ses paroles. » Dans un autre département, celui d’Indre-et-Loire, il s’agit d’exclure également un ancien député, M. de Flavigny, trop fidèle, malgré son indépendance, pour qu’on ose l’appeler un ennemi. Quelle métaphore prend-on pour signifier aux électeurs son arrêt de proscription, affiché la veille de l’élection et destiné à faire l’effet d’un coup de théâtre? « Électeurs, on vous trompe. Des bruits mensongers, d’inqualifiables manœuvres se produisent pour soutenir un candidat qui a perdu la confiance du gouvernement et du pays. » Quel est donc le crime dont ces disgraciés se rendent coupables quelquefois à leur insu? Un préfet s’explique sans vains détours, a La première parole du candidat devait être celle-ci : je suis sans réserve dévoué à l’empire. L’a-t-il dite? Peut-être la dira-t-il; mais il saura qu’elle est trop tardive. » Ainsi le serment ne garantit pas contre de telles attaques, et il laisse place à des soupçons outrageans de parjure auxquels M. de Montalembert opposait cette fière réponse : « Toute ma vie n’est qu’un long démenti infligé à cette calomnie. Je n’ai jamais ébranlé aucun gouvernement, ni trempé dans aucune conspiration, ni figuré dans aucune aventure, ni applaudi à aucune émeute, ni tiré parti d’aucune révolution. » Mais si de temps à autre la leçon