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Ainsi éconduits et attaqués de toutes parts, engagés dans la lutte à leurs risques et périls, isolés et placés en face d’une administration multiple qui est pour eux comme l’insaisissable géant à cent bras de la fable, obligés à supporter toutes les dépenses et toutes les fatigues épargnées à leurs heureux compétiteurs, les candidats de l’opposition n’ont eu pour dernier asile que l’enceinte des lois qui les protègent pendant vingt jours. Sur ce terrain réservé, les garanties légales, telles que nous les avons soigneusement énumérées, qui organisent avec une sage prévoyance la mise en pratique du suffrage universel, sont restées trop souvent en souffrance. Les consignes données par le législateur lui-même n’ont pas été suivies. La place de sûreté n’est pas restée intacte; des brèches y ont été ouvertes, et elles n’ont pas toujours été refermées. Malgré quelques tentatives méritoires, mais isolées, la vérification des pouvoirs, qui devait faire reconnaître les dommages que la place avait reçus, la laisse démantelée plutôt que réparée.

Avant le vote, il y a des épreuves préparatoires à franchir, et il y a lieu de constater qu’en plus d’une circonstance le passage a été intercepté ou singulièrement rétréci. Il serait superflu de s’arrêter aux obstacles plus d’une fois accompagnés de menaces, de violences et même d’arrestations arbitraires, qui ont été opposés au libre parcours des distributeurs de bulletins dont le bon vouloir et le courage, si appréciables quand on les rencontre, ont été bien des fois rudement éprouvés. Ces traitemens n’ont pas été épargnés dans plus d’une circonstance à de paisibles électeurs. Les mêmes-aventures se renouvellent sous des formes variées, à l’occasion de l’affichage, avec le complément ordinaire des affiches déchirées sans scrupule par les agens de l’autorité, et cette lacération n’expose ceux qui s’en rendent coupables à aucune autre pénalité que celle d’un blâme, si même il est encouru. D’ailleurs l’affichage a montré comment l’autorité judiciaire ou l’autorité administrative prétend exercer son pouvoir. Les circulaires électorales, pour être affichées et colportées, n’étaient jusqu’ici subordonnées qu’à un dépôt préalable, accompagné de la signature du candidat; elles sont désormais soumises à une vérification et à un laisser-passer qui aboutiraient facilement à la censure. C’est ainsi que le droit de défense publique a été refusé à l’un des candidats qui avait le plus grand intérêt à s’en servir. Accusé par un placard administratif d’imputations mensongères et injurieuses qui étaient signalées comme déférées à la justice, et n’ayant besoin que d’une explication publique à donner pour faire tomber cette accusation si préjudiciable, M. Floquet n’a pu se faire délivrer un certificat de dépôt qui lui permît d’afficher sa réponse, sa justification n’ayant pas été assimilée à une circulaire électorale. Les circulaires électorales elles-mêmes n’ont pas été