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Page:Revue des Deux Mondes - 1863 - tome 48.djvu/690

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forteresse où les moyens de défense avaient été accumulés. Notre artillerie de campagne étant insuffisante pour faire brèche aux murailles, un matériel de siège était devenu nécessaire. Nous n’avions point ce matériel; mais, confians dans votre intrépidité, vous vous êtes sans hésitation précipités sur des fortifications défendues par de l’artillerie et par un triple étage de mousqueterie. Vous avez fait ce que les soldats français seuls savent faire,... et l’ennemi a si bien appris à vous connaître ce jour-là, que pendant votre retraite de Puebla à Orizaba, quoique vous fussiez embarrassés par un convoi de plus de deux cents voitures, il n’a pas osé vous attaquer, ni même vous inquiéter. » C’est là, j’ose le dire, le résumé naïf, empreint d’une virile tristesse, de cette partie de la campagne du Mexique.

Au fond, cette attaque infructueuse du 5 mai, qui, en intéressant l’honneur militaire de la France, allait donner à l’expédition du Mexique un nouveau caractère, cette attaque infructueuse, dis-je, était peut-être encore un bonheur : elle éclairait toute une situation. Que serait-il arrivé, si, trompée par un succès facile, attirée dans l’intérieur, notre petite armée eût rencontré plus loin quelque épreuve semblable à celle du 5 mai devant Puebla et s’était trouvée ayant l’ennemi en face et ses communications avec la mer interceptées par des tourbillons de guérillas? Six mille hommes de cette trempe, vigoureusement commandés, se fraient sans doute toujours un passage au Mexique. Ils auraient livré des combats heureux sans cesse renouvelés, et ils pouvaient revenir à la fin harcelés, épuisés et décimés sans que leur cœur eût jamais connu la faiblesse. En rentrant à Orizaba par une inspiration de prudence qui devait lui coûter après un revers, le général de Lorencez évitait de tout perdre; il restait dans une contrée salubre, il maintenait ses communications avec la Vera-Cruz, il gardait sa petite armée intacte en attendant que la France vînt à son secours, et il parvenait même dans sa retraite à rallier un des principaux chefs réactionnaires mexicains errant dans le pays, le général Leonardo Marquez, qui lui apportait le contingent délabré de ses bandes presque nues, sans chaussures et sans équipement.

C’était là le côté le moins défavorable de l’échec du 5 mai, qui trouvait ainsi en lui-même son correctif et sa compensation ; mais en même temps ce revers inattendu avait plusieurs conséquences également fâcheuses : il laissait pendant quatre ou cinq mois une poignée d’hommes aux prises avec toutes les difficultés d’une vie en pays ennemi, loin de tout secours ; il rendait plus sensible la solidarité de l’intervention française et d’un parti dont nous portions la fortune dans notre camp, qui était notre allié sans être