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ciel, la patente du 30 mars 1863 ; mais en renonçant à englober le Holstein dans ce fameux tout dont parlait la lourde dépêche du prince Schwarzenberg, les Danois avaient à reprendre et à terminer pour leur propre compte l’ouvrage de la constitution, que les chicanes allemandes les avaient contraints de tenir si longtemps inachevé. C’est ce qu’ils ont fait dans la constitution de novembre 1863. C’est ici que se dresse contre eux le plus grave reproche que l’Allemagne leur envoie, c’est ici que la confédération croit les prendre en flagrant délit de violation des engagemens de 1851. Ils ont incorporé le Slesvig. L’incorporation ! si l’on avait affaire à des contradicteurs de sang-froid, on pourrait les prier de presser le sens politique d’un mot aussi vague ; on leur demanderait, en insistant sur les formules du prince Schwarzenberg, que l’on impose au Danemark par les armes, si « le lien organique constitutionnel et homogène » que le prince admettait dans sa dépêche équivaut à l’incorporation. Le ministre autrichien n’avait évidemment point cette pensée. À ses yeux, pour qu’il n’y eût pas incorporation, il suffisait qu’au-dessous du « lien constitutionnel homogène et organique » il subsistât pour les diverses parties de la monarchie des a institutions administratives constitutionnelles et indépendantes. Évidemment, s’il avait plu à la confédération que les duchés sur lesquels s’étend sa compétence légale, le Holstein et le Lauenbourg, participassent à la constitution danoise, ces duchés, investis « d’institutions administratives » et rattachés à la monarchie par le « lien organique, » n’eussent point été par elle considérés comme incorporés. Or c’est là précisément ce qui est arrivé pour le Slesvig dans la constitution de novembre 1863. Si le Slesvig a l’apparence d’être incorporé au Danemark par cette constitution, c’est parce que le Holstein et le Lauenbourg, grâce aux chicanes allemandes, sont demeurés à l’écart de cette constitution. Le Slesvig étant, de l’aveu des négociateurs allemands de 1851, en dehors de la compétence légale de la confédération, le Slesvig, de l’aveu du prince Schwarzenberg, n’étant point attaché au Holstein par une solidarité politique légale, le Slesvig conservant « ses institutions administratives » et n’étant uni au Danemark que par « le lien constitutionnel homogène, » il n’y a pas plus d’incorporation pour lui qu’il n’y en aurait eu pour le Holstein et le Lauenbourg, si ces duchés avaient voulu accepter « un lien homogène » quelconque. Certes si les stipulations de 1851 eussent été écrites en français, j’entends dans un français qui se respecte, dans un français clair et correct, ce long et diffus procès eût été impossible, car la confusion des mots n’eût point pu jeter la confusion dans les idées ; mais quand on a le courage de percer le fourré d’expressions vagues et de périphrases entortillées dont la diplomatie allemande a couvert à plaisir cette question comme pour la rendre inintelligible à notre esprit et répugnante au goût français, on arrive au même résultat ; on demeure convaincu de deux choses : la première, c’est que, si les stipulations de 1851 sont interprétées logiquement et loyalement, il est faux que le Danemark les ait violées ; la seconde, c’est que, s’il faut accepter sur le sens de ces