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de l’antiquité, au front perdu dans les nuages et constamment battu de la foudre. Sur cette esplanade, sans rivale peut-être dans toute l’Europe, vingt mille hommes étaient rangés, tous portant à la poitrine des nœuds de rubans aux couleurs nationales grecques et des branches vertes autour de leurs chapeaux ou de leurs bonnets, foule bigarrée où se mêlaient les habits noirs des citoyens de la ville, les costumes aux couleurs éclatantes des paysans et les fustanelles des chrétiens albanais, qui avaient traversé le détroit pour venir assister à ces fêtes nationales.

Le plus profond silence régnait dans cette foule au moment où les députés entrèrent dans le palais. On attendait avec anxiété l’accueil que le lord haut-commissaire ferait aux actes du parlement : des bruits répandus dans la ville donnaient à craindre qu’il ne refusât de les recevoir sous la forme dans laquelle ils avaient été rendus ; mais lorsque le canon des forts retentit pour annoncer l’instant où le président de la chambre remettait le décret d’union au représentant de la reine d’Angleterre, un immense et formidable hourrah répondit à ce signal, les chapeaux et les bonnets volèrent en l’air, les drapeaux s’agitèrent, et la musique de la Société philharmonique joua l’hymne national : « Ne craignez plus, ô Grecs, les hordes barbares des musulmans ! l’Europe vous ouvre ses bras, » qu’entonnèrent en chœur tous les assistans. C’était une de ces scènes imposantes qui ne se présentent que rarement dans la vie des peuples et auxquelles les plus froids ne sauraient demeurer insensibles.

Les membres du parlement sortirent alors du palais et retournèrent au lieu de leurs séances, suivis d’un peuple ivre de joie et d’enthousiasme, à travers les rues, dont les maisons étaient pavoisées de drapeaux grecs et ornées de tentures du haut en bas, comme pour une procession. Les acclamations éclataient sans relâche sur leur passage, et de toutes les fenêtres tombait une vraie pluie de fleurs, de palmes et de couronnes. On rentra ainsi à la chambre, et le parlement voulut clore cette journée par un acte de reconnaissance nationale. Après avoir inscrit sur ses procès-verbaux la constatation de la grande scène patriotique qui venait de se produire, l’assemblée, avant de se séparer, vota par acclamation, sur la proposition de M. Lombardos, un décret de remercîmens à tous les philhellènes européens qui avaient défendu la cause des Iles-Ioniennes, et spécialement aux philhellènes français.

Le parlement avait décidé la veille que quatre jours de fêtes nationales célébreraient le grand événement de l’union des sept îles à la nation hellénique. Ces fêtes commencèrent le 8 par un Te Deum solennel chanté à la cathédrale grecque. Il faut remarquer à ce propos que le clergé des Iles-Ioniennes, aussi patriote, mais plus