Page:Revue des Deux Mondes - 1864 - tome 49.djvu/150

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

utilité sérieuse, et que je ne connaisse aucun exemple de combat de mer où les choses se soient ainsi passées ; enfin cette artillerie, dans un combat de près, a certainement, par sa batterie haute, l’avantage d’un feu plongeant sur les frégates, ce qui n’est pas à dédaigner aujourd’hui, où les points le plus vulnérables des navires cuirassés sont indubitablement la coque immergée et le pont supérieur.

La supériorité des vaisseaux sur les frégates est donc, au point de vue de l’artillerie, un fait acquis, manifeste, autant pour le nombre que pour la disposition des pièces. Toutefois, pour obtenir cette supériorité, il a fallu faire quelques concessions à la nature et à la force des choses. La plus importante de ces concessions, c’est que le vaisseau n’est pas complètement cuirassé. Il l’est à la flottaison et sur toute la hauteur du faux-pont ; mais au-dessus il n’y a plus que ses pièces qui soient couvertes par la cuirasse. On combattra sans doute à l’abri ; mais à l’avant et à l’arrière, dans la batterie haute et dans la batterie basse, il y a de vastes espaces qui ne sont pas plus protégés que ne l’étaient les vaisseaux d’autrefois, et qui offrent une prise considérable aux projectiles incendiaires de l’ennemi. Ce sont les points faibles du Solferino et du Magenta. On n’aurait pu les fortifier comme les autres qu’en ajoutant 3 ou 400 tonneaux au poids de leurs cuirasses, c’est-à-dire qu’il eût fallu changer toutes les conditions de leur construction, et les changer en développant les dimensions de navires qui sont déjà plus grands que tout ce qu’on avait vu avant eux. N’oublions pas en effet que le déplacement moyen des vaisseaux à trois ponts, les rois de la mer encore il y a dix ans, ne dépassait pas 5,000 tonnes, et que nous voilà déjà arrivés à 7,000 presque avec le Solferino, à 8,800 avec le Warrior, à 10 ou 11,000 avec l’Agincourt, que MM. Laird construisent à Birkenhead, à 22,000 avec le Great Eastern. C’est aller bien vite en besogne, et il est permis de douter que les Anglais aient beaucoup à se louer d’avoir voulu faire des bonds plus rapides que les nôtres. Le Great Eastern n’a malheureusement réussi ni comme instrument de trafic ni comme instrument de navigation, et l’autre jour le constructor in chief de la marine anglaise, l’habile M. Reed, confessait publiquement à Greenwich que le Warrior n’était pas un succès, à cause même de l’exagération de ses dimensions. M. Reed disait franchement, et en citant le chiffre que je répète après lui, que le Warrior serait un bien meilleur navire, s’il avait 100 pieds de moins en longueur, qu’il roulerait beaucoup moins et que surtout il gouvernerait beaucoup mieux. Dans tous les arts dont les produits s’obtiennent non pas par l’imagination, mais par l’application des principes des sciences exactes, les progrès véritables ne se font avec sécurité que pas à pas, qu’en allant toujours du connu à