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l’attention des gens spéciaux une idée d’origine anglaise et qui jouit d’une très grande faveur chez nos voisins. Les Anglais construisent pour leurs navires cuirassés des bas mâts en fer forgé qui satisfont à toutes les nécessités nautiques et militaires, et qui, étant creux, sont aussi employés comme moyens de ventilation, autre condition que nous n’avons pas à craindre de trop étudier, car elle exerce une très importante influence sur la santé des équipages.

Pour donner une idée complète de la manœuvre de ces navires, il faut dire quelques mots encore des épreuves giratoires qu’ils ont faites. Ils obéissent à leurs gouvernails de la manière la plus satisfaisante, et dans toutes les lettres qu’il m’a été donné de voir, je n’ai pas trouvé une seule observation qui puisse être interprétée à leur désavantage. Cependant leur extrême longueur fait qu’ils décrivent dans leurs évolutions des circonférences dont les rayons sont plus considérables que ceux des circonférences décrites par les vaisseaux plus courts qu’eux. On le savait d’avance, et si l’on a pu s’étonner de quelque chose, c’est que la différence entre ces rayons ne soit pas plus grande, surtout pour les navires à éperon. La comparaison a classé sous ce rapport les bâtimens de la division comme il suit : le Tourville en première ligne, la Couronne et le Napoléon au second rang, l’Invincible et la Normandie au troisième, le Solferino et le Magenta au quatrième. Le minimum du rayon de la circonférence décrite par ces deux derniers a été de 380 mètres, celui de la Couronne de 305 seulement.

Quant aux machines que j’ai déjà décrites ici même[1], j’y reviendrai seulement pour confirmer cet axiome de la marine à vapeur, que la plus puissante machine est aussi celle qui, tout en donnant le plus de vitesse, coûte le moins dans la pratique. Le Napoléon l’avait prouvé pendant la guerre de Crimée, où il rendit à lui seul autant de services que plusieurs vaisseaux ensemble. L’expérience que l’on vient de faire rend cette vérité plus éclatante encore, s’il est possible. Avec son déplacement de 5,200 tonneaux et sa machine de 900 chevaux, soit un cheval de vapeur par 5 tonneaux 8 de déplacement, le Napoléon a été battu dans les épreuves de vitesse par le Magenta et le Solferino, dont les machines de 1,000 chevaux correspondent cependant à 7 tonneaux de leur déplacement. Dans toutes les épreuves à 2, à 4, à 6 ou à 8 chaudières, ces deux vaisseaux ont invariablement tenu la tête de la liste, et quand on a voulu régler la vitesse des autres sur la leur, non pas sur leur vitesse extrême, car alors les autres n’auraient pu les suivre, mais seulement sur une vitesse modérée, le chiffre des consommations comparées de charbon

  1. Voyez la Revue du 15 juin 1862.