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Page:Revue des Deux Mondes - 1864 - tome 49.djvu/314

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d’une demi-heure après que la corne a appelé les travailleurs à l’ouvrage doit payer quatre sous d’amende.

À quelque distance de l’essch, on rencontre le village. Les maisons, bien construites et admirablement entretenues, sont rangées autour d’une vaste place, le brink, et elles élèvent leurs pignons blanchis à l’ombre de vieux chênes dont les dômes majestueux font rêver aux grandes forêts de Teutsch, où les Germains aimaient à fixer leurs demeures. L’antique ferme des cohéritiers de la marke n’offre pas un aspect aussi flatteur que ces charmantes maisons du brink ; elle est encore tout à fait semblable à l’ancienne habitation germanique telle que nous l’ont décrite les historiens romains. C’est un vaste bâtiment en bois, couvert de chaume, sans aucune division intérieure, une sorte de grange où tout se trouve réuni à la même place, la moisson, les instrumens aratoires, les animaux domestiques et la famille du cultivateur. Les chevaux sont d’un côté, les vaches de l’autre ; entre les deux vaguent les porcs, les poulets et les enfans. Au fond, des espèces d’armoires en bois renferment les lits. Il n’y a point de cheminée ni même aucune ouverture au toit. Au centre brûle constamment un feu de tourbe dont la fumée s’échappe lentement à travers les interstices des ais, après avoir séché les gerbes de seigle et de sarrasin entassées au-dessus des poutres jusqu’au faîte du toit. Les défenseurs des vieilles coutumes, adversaires acharnés des cheminées, prétendent que le grain acquiert ainsi une qualité exceptionnelle, ce que le commerce semble reconnaître en effet, car il recherche les grains de la Drenthe. Malgré cet avantage peu contestable, les primitives habitations rurales, dont le type remonte à l’époque saxonne, tendent à disparaître avec les vieilles générations qui meurent et avec les anciennes coutumes qui s’en vont. Depuis que les chemins empierrés offrent des moyens de communication plus faciles, on peut se procurer même au milieu des bruyères de meilleurs matériaux, des briques, de la chaux, des bois de Norvège, et les nouvelles fermes qui remplacent les vastes huttes des ancêtres sont bâties avec ce soin et cette propreté qui leur impriment aussitôt le cachet hollandais.

La culture de cette région est encore peu avancée : elle est essentiellement extensive, car, pour obtenir sur les esschen des récoltes non interrompues de céréales, il faut y apporter chaque année de nouveaux élémens de végétation. Or on les emprunte à la bruyère, qui s’étend partout à perte de vue. C’est là que le bétail doit chercher en grande partie sa nourriture, c’est là aussi qu’on prend ces mottes, plaggen qui servent à entretenir la fertilité de la terre cultivée. On les met comme litière dans l’étable ; ensuite on en mêle encore au fumier, afin de faire un compost. Grâce à l’engrais de