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mais l’organisation primitive n’a pas survécu : elle a disparu sous l’influence du régime féodal, qui s’est introduit au moyen âge dans la Veltiwe, beaucoup moins isolée alors que la Drenthe. Au-dessus du paysan, de l’homme libre jouissant en maître de la terre commune avec les autres cohéritiers de la marke, s’est élevé le seigneur, puis au-dessus du seigneur le souverain, qui a usurpé peu à peu le domaine éminent. Une grande partie de la Veluwe était considérée comme la propriété du comte et portait le nom de heerenveld, la lande du seigneur ; celui-ci en concédait la jouissance aux habitans moyennant une certaine redevance (ruimgeld), payable à chaque année bissextile. Les quatre grandes forêts de la Veluwe furent transformées en réserves de chasse pour l’empereur (banforsten), et nous voyons Othon III concéder à un couvent, l’Elterklooster, le droit d’y chasser le cerf. Plus tard, un comte de Hollande, Albert van Beyeren, met un impôt sur la plus humble industrie des bruyères, qu’on ne connaît même plus aujourd’hui, la fabrication de la cire, qu’on extrayait d’une plante aromatique très abondante dans les sables humides, le myrica gale, gagel en hollandais. L’économiste américain Carey, pour attaquer la théorie de Ricardo sur l’origine de la rente foncière, soutient que partout les mauvaises terres ont été cultivées avant les bonnes. Sans rien prouver contre le système qu’il doit renverser, ce fait est généralement vrai, et il s’explique par ce motif très simple, que les meilleures terres étaient envahies par les eaux. Il en a du moins été ainsi dans les Pays-Bas. De là vient que la Veluwe a été peuplée avant la région fertile et basse des côtes, et qu’elle avait autrefois une importance qu’elle a perdue depuis. Malgré la pauvreté du pays, la noblesse féodale s’y était établie et y avait élevé des châteaux, comme ceux de Hel ou de Bernkamp, d’où elle dominait les campagnes environnantes. Les guerres incessantes du moyen âge, qui se faisaient aux dépens des pauvres cultivateurs sans défense, abaissèrent encore leur condition et arrêtèrent les défrichemens. A l’époque de Charles V, la paix, qui régnait sous la domination d’un maître unique, permit quelques conquêtes sur la lande. En 1526, le nombre des bêtes à cornes s’éleva à 36,777 ; mais les dévastations commises par les Espagnols et ensuite par les armées de Louis XIV firent perdre de nouveau tout ce que l’on avait gagné, et même en 1811 le chiffre de l’espèce bovine avait à peine dépassé celui du XVIe siècle, puisqu’il ne montait qu’à 41,821. Ce n’est que dans ce siècle-ci qu’on a vu réellement diminuer les espaces incultes.

Malgré ces vicissitudes, toute trace de l’antique organisation saxonne n’a pas disparu. Il existe encore dans la Veluvve plusieurs forêts, comme le Gortelerbosch, le Putterbosch, le Spielderbosch, qui sont régies d’après d’anciennes coutumes germaniques très