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pour les accusés de communiquer entre eux par mille moyens que la prudence humaine ne pouvait déjouer, et de concerter des bruits calomnieux contre des personnes de qualité pour se faire une égide de leur nom. L’avocat arrivait ensuite aux moyens de terminer le procès. Il y en avait quatre à son avis : le premier, « de rompre la chambre, de ne rien juger du tout et d’envoyer toutes ces canailles (le mot de Colbert) sur divers points éloignés ; » seulement, en agissant de la sorte, les personnes dénoncées restaient entachées, le procès imparfait, et on ne pouvait pas brûler la procédure pour en abolir la mémoire ; le second, de renvoyer l’affaire devant des juges ordinaires ; mais d’abord ce ne serait pas le plus expéditif, et puis il y avait dans les interrogatoires des noms qu’on ne pouvait même prononcer devant de simples juges. Le troisième était de faire statuer par la chambre sur les plus criminels, et de renfermer le reste sans jugement dans diverses prisons. Enfin le quatrième, vers lequel penchait Duplessis, était de faire juger tous les accusés sommairement et de brûler sur-le-champ la procédure. Un point essentiel, et sur lequel il insistait fortement, c’était de ne plus mettre à la question les condamnés. « Si le roi, disait-il, a la bonté de vouloir arrêter ces recherches et cette inquisition pour donner le repos aux familles, il n’y a point d’autre moyen que d’empêcher qu’on donne davantage la question, parce que ce seroit une voie presque certaine par où la chambre seroit perpétuée et l’affaire immortalisée. » Un scrupule vint à l’esprit de Duplessis ; il y avait une série d’accusés chargés seulement par des dépositions, mais qui n’avaient rien avoué, et dont la culpabilité était contestable : « A leur égard, dit-il, il y a une certaine notoriété résultant de l’air général de l’affaire et de la multiplicité des faits que les autres accusés ont reconnus soit contre ceux-là, soit contre eux-mêmes, et enfin du commerce ouvert qu’ils ont fait dans Paris, et l’on ne peut pas douter qu’ils ne soient coupables, sans qu’il faille d’autres preuves… » De la part d’un avocat transformé pour un moment en procureur-général, la conclusion était au moins singulière. Quant à ceux qui seraient bannis à perpétuité, Duplessis estimait que le roi pourrait les retenir en prison (on l’avait déjà fait pour Fouquet) ou les reléguer aux îles. Il terminait en disant qu’on ferait bien « de garder pour le dernier un des grands criminels qui donnât lieu à ordonner que le procès seroit brûlé à cause des impiétés exécrables et des ordures abominables qui s’y trouvoient, et dont il étoit important que la mémoire ne fut pas conservée. »

A l’exception de ces dernières recommandations, car la chambre de l’Arsenal ne jugea pas tous les accusés et les pièces du procès ne furent pas brûlées, les conseils de Duplessis prévalurent, et c’est