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Page:Revue des Deux Mondes - 1864 - tome 49.djvu/455

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profité ? C’est là surtout le reproche qu’on a fait à la banque : elle a été accusée d’avoir fait subir de lourdes pertes au trésor et d’avoir créé une position obscure ; rien ne la forçait à hâter l’accomplissement d’une promesse dont elle pouvait dès lors mesurer tout le fardeau. M. Stieglitz se rejette sur la bourrasque financière et sur l’inquiétude causée par les complications politiques ; mais est-ce que ce malaise ne date que du mois de novembre 1863 ?

Les hommes compétens ne s’y étaient pas trompés : ils avaient jugé les moyens artificiels employés pour soutenir les cours. Le change du 29 octobre 1863 était à 396 francs sur Paris : dès le 1er novembre, il est tombé à 367, sans se relever guère depuis et en redescendant aux environs de 350. Les Russes eux-mêmes ont jugé que la banque avait eu raison de renoncer à user de moyens factices ; « en matière de finances tout comme en médecine (lisons-nous dans une correspondance de Saint-Pétersbourg du 16-23 novembre 1863), les palliatifs n’ont jamais servi à grand’chose. On a dépensé de grandes sommes en pure perte pour soutenir les cours. »

Sans entrer dans ces querelles d’intérieur, qu’il nous suffit de signaler, nous devons ajouter qu’un peu plus tôt, un peu plus tard, le même résultat menaçait inévitablement la Russie. La velléité d’un retour à une situation monétaire normale ne pouvait aboutir en présence des embarras presque irrémédiables du trésor. La réserve métallique a baissé dans une proportion plus forte que celle du retrait des billets de la circulation. Après s’être élevée en octobre 1862 à plus de 93 millions de roubles, en présence d’une circulation de 696,831,672 roubles-papier, elle est descendue, il y a un mois à peine, ainsi que le constate le bilan de la Banque de l’État publié le 30 novembre 1863, à 68 millions de roubles, dont 56 seulement représentent l’encaisse métallique, et 12 millions des fonds publics, alors qu’il restait en circulation une masse de billets s’élevant à 634,773,929 roubles, plus de 2 milliards 1/2 de francs : la proportion du métal au papier se trouverait donc réduite à un onzième !

Tout ce bilan, soigneusement étudié, est loin d’ouvrir à la Russie de brillantes perspectives. Si le prince Gortchakof était descendu des nuages, où il semble planer, à ces modestes détails du ménage politique, il se serait peut-être exprimé avec plus de modestie.

La banque porte à son actif pour 568 millions de roubles le solde dû par le trésor de l’état pour les billets de crédit, en dehors des 152 millions dus par lui aux succursales, c’est-à-dire 720 millions de roubles, environ 3 milliards pour ce chapitre de la dette flottante, qui constitue la principale ressource de l’établissement, car comment lui rentreront dans les circonstances actuelles les 357 millions