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Si des caractères ostéologiques on passe à ceux que fournit l’homme vivant, on trouve une concordance complète. Généralement la région crânienne est haute, un peu courte d’arrière en avant et aplatie en arrière ([1]. Le front, bien développé, mais d’ordinaire un peu bas, devient souvent très beau, et l’angle facial égale parfois celui de l’Européen. D’ordinaire le nez, quoique un peu trop court et épaté par suite de manœuvres exercées sur l’enfant[2], est souvent aussi droit et bien saillant ; dans certaines îles, il est presque toujours aquilin, caractère qui appartient essentiellement aux races blanches. Les yeux, un peu petits, sont presque toujours horizontaux, rarement obliques[3] ; la couleur en est presque toujours noire. Les pommettes sont saillantes, plutôt en avant, comme chez certaines populations blanches, que sur les côtés[4], La bouche est bien dessinée et l’expression en est agréable, quoique les lèvres soient un peu trop épaisses et présentent d’ordinaire cet empâtement particulier qui accuse le mélange de sang nègre ; mais parfois aussi elles sont fines et minces comme chez l’Européen. Souvent le menton se projette en avant d’une manière exagérée et devient alors étroit et pointu[5]. Le teint varie d’un jaune bistre très pâle rappelant celui de certains Européens du midi au brun foncé, et passe quelquefois à la teinte cuivrée. Enfin les cheveux noirs ou châtain foncé et châtain clair ont en général une tendance à se rouler en boucles[6].

En résumé, la race polynésienne présente un ensemble de caractères tenant à la fois du blanc, du jaune et du noir ; mais la part qui revient à ces élémens ethnologiques est très différente. L’élément jaune ne s’accuse guère que par la couleur ; il semble influer assez peu sur les traits. L’élément noir agit davantage sur les traits, sans doute aussi sur la forme du crâne ; quelquefois il ressort presque

  1. Ce dernier caractère n’est pas naturel. Un écrivain qui a passé de nombreuses années en Polynésie, qui en a vu et étudié de très près les habitans, nous apprend qu’on aplatit artificiellement l’occiput aux enfans (Mœrenhout, Voyages aux Îles du Grand-Océan, 1837), résultat qui ne peut s’obtenir sans que la forme du reste du crâne soit plus ou moins modifiée.
  2. Un nez plat est une grande perfection et une beauté chez la femme. » (Mœrenhout.)
  3. L’obliquité de l’œil est un des caractères des races jaunes ; mais on sait qu’il se rencontre à titre d’exception chez les blancs les mieux caractérisés.
  4. Cette dernière disposition, qui tient à la grande courbure des arcades zygomatiques, est encore un caractère des races jaunes.
  5. Quelques-uns des portraits de Néo-Zélandais rapportés par Dumont-d’Urville présentent ce caractère d’une façon remarquable.
  6. Les caractères tirés de la chevelure attestent à eux seuls que l’élément jaune entre pour assez peu dans la composition de la race polynésienne, car des cheveux toujours noirs, raides et incapables de friser sont un des traits les plus généraux des populations mongoliques, et je n’en connais même pas qui fasse exception.