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C’est surtout dans les momens critiques que le macaco révèle tout ce que la nature lui a départi de souplesse et de ressources. S’il se trouve surpris en flagrant délit et que la fuite soit impossible, il fait appel à la générosité de son ennemi, devine avec un merveilleux instinct la fibre du cœur la plus facile à émouvoir, et dans une pantomime moitié sérieuse, moitié bouffonne, s’exprime en termes si clairs que l’homme se sent désarmé. Je me trouvais un jour dans une fazenda dont les environs étaient peuplés de macacos. Mon guide voulut mettre à profit ses momens de loisir et sortit le fusil sur l’épaule, comptant bien, me dit-il, me régaler d’un plat de sa façon. Je compris, d’après quelques mots qui lui étaient échappés, qu’il s’agissait d’un singe. Le soir, il revint avec un énorme lézard que de loin on aurait pris pour un jeune caïman.

— Comment ! lui dis-je en riant, c’est là ce que vous appelez un macaco ?

Senhor, ce n’est pas ma faute si je n’ai pas tenu parole. Figurez-vous que deux fois j’ai eu une de ces damnées bêtes au bout du canon de mon fusil, et que deux fois mon arme est retombée. Je m’étais posté derrière un arbre, sur la lisière d’un champ de maïs, pour guetter mon gibier. Comme ce n’est pas aujourd’hui dimanche, je pensais que je ne resterais pas longtemps inutilement à l’affût. En effet, au bout d’une demi-heure, j’ai vu un macaco qui se dirigeait de mon côté. C’était une femelle ; mais ces animaux-là ont tant de malice qu’ils sentent le chasseur. Au moment où je l’ajustais, elle s’est aperçue du danger, et comme elle ne pouvait pas fuir à cause de son petit qui était à côté d’elle, elle a imaginé de me le présenter dans ses bras comme pour me prier de ne pas lui faire de mal. J’ai hésité un moment. J’allais cependant lâcher la détente, lorsqu’elle s’est mise à me supplier d’un air si comique que le cœur m’a manqué tout à fait et que j’ai laissé retomber l’arme. Puis elle m’a fait de nouvelles grimaces quand elle s’est vue hors de danger, sans doute pour me remercier ; bref, elle a fui, et comme un imbécile je n’ai pas songé à la poursuivre.

— Vous auriez dû vous poster de nouveau et guetter un autre singe.

— On voit bien que le senhor ne connaît pas ces bêtes-là. Je ne sais pas si elles ont un langage comme nous, ou comment elles s’y prennent ; mais toujours est-il qu’un macaco qui a aperçu le bout d’un fusil avertit ses camarades, et que le chasseur perdrait sa peine à attendre dans le champ où il a été découvert. Aussi suis-je rentré dans le bois, et, pour ne pas revenir les mains vides, j’ai tué ce lagarto (lézard) ; sa chair est très délicate, sans valoir toutefois celle du macaco.

À l’exception du singe hurleur, que les naturels du pays appellent