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la saison pluvieuse, soit qu’ils se laissent entraîner par les torrens de pluie qui tombent alors journellement, soit que l’instinct de la reproduction ou de la conservation personnelle les fasse rentrer dans leurs nids, situés probablement dans les fentes des arbres, des pierres ou des murailles. Toujours est-il qu’on n’en voit guère de gros au retour du beau temps. En revanche, tous les buissons et toutes les feuilles des arbres sont criblés de myriades de petits carrapatos qui, au bout de quelques semaines, deviennent adultes et acquièrent bientôt le volume de leurs prédécesseurs. Malheur alors aux chasseurs inexpérimentés qui entrent dans les taillis ou aux senhoras qui s’assoient imprudemment sur le gazon !

Malgré leur nombre et la triste célébrité qui s’attache à leur nom, le bicho et le carrapato ne sont pour ainsi dire que d’inoffensifs animalcules perdus dans ce déluge d’insectes qui, sous le nom de burrachoudos, mutucos, carapanas, cupim, gafanhotos, mosquitos, maribundos, baratas, formigas, etc., emplissent la péninsule brésilienne de leurs redoutables légions. Les bords des fleuves, le voisinage de l’Atlantique, les contrées marécageuses, sont pour eux autant de centres de prédilection. Comme pour les plantes, on peut dire que chaque région a sa faune ailée caractéristique. L’immense bassin des Amazones en montre à la fois tous les échantillons, depuis l’imperceptible bicho dos pes jusqu’à ces araignées monstrueuses dont la vue inspire autant de dégoût que d’effroi. Le nom de terre des monstres, que Pline le naturaliste donnait à l’Afrique, ne pourrait-il pas s’appliquer plus justement à ces brûlans estuaires de l’équateur dont le limon noir et putride semble faire sortir la vie du bouillonnement même de ses effluves ? Rien de plus varié et de plus étrange que ces myriades d’insectes fourmillant sous vos pieds ou bourdonnant dans l’espace. Le voyageur qui tombe tout à coup au milieu de cette sauvage nature ne sait d’abord ce qu’il doit le plus admirer des splendeurs végétales ou des merveilleux animalcules dont le nombre ne peut être comparé qu’à celui des grains de sable qui recouvrent les rivages de l’Océan ; mais bientôt les aiguillons acérés qui s’enfoncent dans les chairs le rappellent brusquement à des idées moins riantes. Comme les oiseaux de proie, avec lesquels ils offrent plus d’un trait de ressemblance, les parasites à suçoir ou à mandibules peuvent se diviser en deux groupes également redoutables. Les uns, tirant leur énergie de la chaleur seule, attendent que l’atmosphère soit embrasée avant de chercher fortune au dehors, et se montrent d’autant plus acharnés sur l’épiderme de leur victime que le soleil est plus ardent. Les seconds ne sortent de leurs retraites qu’aux premières ombres du crépuscule et font leur chasse dans les ténèbres. D’une couleur plus sombre que les premiers, ils les égalent