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point de troupes exercées, mais une grande abondance de jeunes gens d’illustres familles, aussi incapables de commander que peu disposés à obéir, et beaucoup de ces grands noms qui honorent plus un parti qu’ils ne le servent ; ici un régime tout militaire et la discipline d’un camp, là des querelles, des discussions, des rancunes, des rivalités d’influences, des dissentimens d’opinion, enfin toutes les habitudes et tous les inconvéniens de la place publique transportés dans un camp. Ce sont les embarras ordinaires d’un parti qui prétend défendre la liberté, car il est difficile d’imposer silence à des gens qui se battent pour conserver le droit de parler, et toute autorité devient vite suspecte quand on a pris les armes pour s’opposer à un abus d’autorité ; mais c’était surtout le caractère des deux chefs qui faisait la différence des deux partis. César paraissait à tout le monde, même à ses plus grands ennemis, un prodige d’activité et de prévoyance. Quant à Pompée, on voyait bien qu’il ne commettait que des fautes, et il n’était pas plus possible alors qu’aujourd’hui d’expliquer sa conduite. La guerre ne l’avait pas surpris ; il disait à Cicéron qu’il l’avait prévue depuis longtemps. C’était peu de la prévoir, il avait paru la souhaiter ; c’est sur son avis qu’on avait refusé les propositions de César, et la majorité du sénat n’avait rien fait sans le consulter. Il avait donc vu venir la crise de loin, et pendant toute cette longue guerre diplomatique qui précéda les hostilités véritables, il avait eu le temps nécessaire pour se préparer. Aussi, quoiqu’il n’en parût rien, tout le monde croyait-il qu’il était prêt. Lorsqu’il disait avec sa jactance ordinaire qu’il n’avait qu’à frapper du pied la terre pour en faire sortir des légions, on supposait qu’il voulait parler de levées secrètes, d’alliances inconnues, qui au dernier moment lui amèneraient des troupes. Il avait une assurance qui redonnait du courage aux plus épouvantés. En vérité, une sécurité si étrange au milieu d’un danger si réel, chez un homme qui avait conquis des royaumes et conduit de si grandes affaires, passe l’imagination.

D’où pouvait donc venir à Pompée cette confiance ? Manquait-il de données exactes sur les forces de son adversaire ? croyait-il véritablement, comme il le disait, que ses troupes étaient mécontentes, ses généraux infidèles, et que personne ne le suivrait dans la guerre qu’il allait faire à son pays ? ou comptait-il sur la fortune de ses premières années, sur le prestige de son nom, sur ces hasards heureux qui lui avaient donné tant de victoires ? Ce qui est certain, c’est qu’au moment où les vétérans d’Alise et de Gergovie se réunissaient à Ravenne et se rapprochaient du Rubicon, l’imprudent Pompée affichait un grand mépris pour le général et pour ses troupes, vehementer contemnebat hunc hominem ! Mais cette forfanterie ne dura guère ; à la nouvelle que César marchait résolument sur Rome, elle