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Page:Revue des Deux Mondes - 1864 - tome 49.djvu/724

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solaire, et c’est seulement en se rappelant ce calendrier du premier âge que l’on comprend certains passages d’auteurs indiens et iraniens qui fixent au dixième mois le terme de la grossesse. L’idée que les éclipses proviennent d’une maladie de l’astre ou de l’attaque d’un être malfaisant, celle encore que la voie lactée est un chemin céleste, appartiennent aussi aux plus anciennes conceptions de nos ancêtres. Ils ne paraissent pas avoir distingué les constellations, sauf peut-être l’ourse. Enfin les noms de nombre primitifs, lesquels se ressemblent étonnamment dans toutes les branches de la famille, attestent par leur étymologie que l’homme a fondé sur les cinq doigts de la main son premier système de numération. Cinq veut dire une main étendue ; dix, deux mains étendues ; un veut dire celui-ci, et s’indique par un doigt levé ; deux, ceux-ci, etc. Notons toutefois que le parallélisme des noms de nombre s’arrête à cent, ce qui suppose des habitudes de calcul encore bien élémentaires.


III

Nous arrivons finalement au plus riche et, à bien des égards, au plus intéressant des domaines ouverts à la philologie comparée, celui des croyances religieuses. Ici la science philologique n’est plus qu’un auxiliaire de la science toute récente des religions comparées. Ce ne sont plus seulement des mots, ce sont aussi des mythes, des institutions, des dogmes, des cultes qu’il faut rapprocher pour en retrouver la commune origine. Cette science est en train de se faire, mais elle est encore loin d’être définitivement constituée. L’histoire des religions et des mythologies de notre race est bien incomplète et nécessairement erronée, tant qu’on se refuse à rapprocher les antiquités nationales européennes des antiquités iraniennes et hindoues. D’autre part, certaines généralisations récentes pourraient bien être trop hâtives. L’étymologie comparée est parfois même un guide trompeur dans ce genre de rapprochemens. Dans le trajet de la Caspienne au Finistère, les noms de dieux et de déesses ont pu changer de signification, et j’en crois trouver d’incontestables preuves dans la mythologie grecque, dont l’explication a tant gagné d’ailleurs à des comparaisons multipliées avec les mythes védiques. Il faut donc nous borner à quelques données générales et décidément acquises.

C’est le point toutefois où nous ne pouvons acquiescer sans réserve aux résultats admis par l’ingénieux et savant philologue genevois. Il inclinerait à penser que si la religion de nos ancêtres aryens, arrivée à sa dernière évolution, consistait en un polythéisme poétique,