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année, vers le mois d’octobre ou de novembre, avec des différences de gravité dans les embarras qu’elle amène, chaque année on voit remettre en question le point de savoir si la Banque ne pourrait pas aviser aux besoins d’argent autrement qu’en élevant le taux de son escompte. En 1863, la discussion a été plus vive que jamais à cause d’un incident dont nous devons dire un mot.

Lors de l’annexion de la Savoie et du comté de Nice à la France, après la guerre d’Italie, il fut stipulé tout naturellement que les droits existans dans les pays annexés seraient respectés, et qu’ils s’exerceraient en France comme ils s’exerçaient auparavant en Piémont. Or il y avait à Annecy, créée depuis quelques années, la Banque de Savoie, qui avait, entre autres privilèges, celui d’émettre des billets au porteur avec faculté d’établir des succursales en Piémont. Que devenait ce privilège le lendemain de l’annexion ? En France, nous vivons sous le régime du monopole en fait d’émission des billets au porteur ; depuis 1848, il n’y a plus qu’une seule banque qui ait le droit d’en émettre : c’est la Banque de France ; par conséquent le droit qu’avait la Banque de Savoie allait se trouver en compétition avec le privilège de la Banque de France. On a fait beaucoup de bruit autour de cette question ; on a invoqué les idées de droit et les principes économiques. Nous n’avons pas à nous occuper des idées de droit ; mais puisqu’au point de vue économique on a invoqué le principe de la liberté des banques, et cherché à démontrer qu’il était utile pour la modération du taux de l’intérêt qu’il y eût dans un pays plusieurs banques pouvant émettre des billets au porteur, que tout récemment encore cette théorie a été affirmée de la façon la plus doctorale dans un écrit intitulé Réorganisation du système des banques, publié avec grand fracas et attribué à une de nos célébrités financières, nous croyons utile d’examiner la question.

Certes nous sommes grand partisan de la liberté en toutes choses ; outre qu’elle est de droit commun et qu’il ne faut y déroger que par les considérations les plus puissantes, nous savons ce qu’elle vaut pour rendre les nations riches et fortes : ce n’est donc pas nous qui conseillerons jamais à l’état de s’ingérer là où il n’a que faire, et de constituer dés monopoles là où l’action de la libre concurrence peut rendre les mêmes services. Cependant on est obligé de reconnaître que, même dans les sociétés les plus libres, il y a, en dehors de l’administration proprement dite, des services qui incombent à l’état, ou qui doivent être accomplis en son nom avec un monopole : ce sont ceux qui ont un caractère public. Partout on a reconnu que l’état devait être chargé du transport des lettres et des dépêches, et on n’a jamais eu l’idée de lui disputer ce service