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que des fonctionnaires, des parvenus. Aux unes et aux autres la corruption politique, sous la forme de la vénalité, s’offrit comme unique ressource. Les chefs de famille avaient seuls droit de siéger aux états, mais beaucoup ne voulaient ou ne pouvaient payer les frais de déplacement et de séjour dans la capitale pendant la durée de la diète ; il était permis alors de transmettre les pleins pouvoirs à quelque autre noble qui, après cela, pouvait agir et voter librement à la place du titulaire. Les pleins pouvoirs devinrent donc bientôt pure marchandise entre les mains des partis. D’ailleurs la plupart des nobles ne vivaient que d’emplois, et, comme tous les fonctionnaires, ils étaient à la discrétion du sénat ; les sénateurs eux-mêmes n’avaient souvent d’autres revenus que les gages de leur office, et nous avons dit que l’assemblée des états pouvait les destituer. Il résultait de ces combinaisons funestes que les sénateurs s’efforçaient, pour rester en place, d’acheter un parti parmi les membres de la diète, et que les nobles siégeant aux états vendaient à l’avance leur droit de nomination. Avec quelque expérience d’un mécanisme si ingénieux, on pouvait à prix d’or accaparer tout le gouvernement ; certaines cours étrangères, intéressées à faire servir la Suède à leurs desseins, ne manquèrent pas de s’arroger ce privilège ; la France elle-même ne s’en abstint pas. On sait d’ailleurs que la vénalité politique était générale en Europe au milieu du XVIIIe siècle ; on sait ce qu’elle était par exemple en Angleterre, alors que Walpole demandait au cardinal Fleury l’envoi de 3 millions pour les distribuer au parlement, seul moyen, disait-il, de conserver une majorité suffisante en faveur de la paix.

La situation intérieure s’aggravait d’embarras venus du dehors. Par la paix de Nystad, signée en 1721, le cabinet de Saint-Pétersbourg avait donné sa garantie, qu’il devait renouveler plus tard avec une si dangereuse persistance, au maintien de l’anarchique constitution suédoise de 1720, et la Suède avait perdu ces belles provinces des bords de la Baltique, la Livonie, l’Esthonie, l’Ingrie, la Carélie, glorieusement acquises sous Gustave-Adolphe et Christine. Ces possessions l’avaient entraînée, il est vrai, dans de perpétuelles guerres sur le continent, mais avaient fait son renom en Europe. C’était un profit pour elle d’y renoncer, si désormais elle tournait son activité vers les intérêts de sa prospérité intérieure avec l’appui d’un ferme gouvernement ; sinon, c’était le signal de sa décadence. En tout cas, bien qu’il lui restât de l’autre côté de la Baltique la Poméranie et la Finlande, elle n’en abdiquait pas moins le rôle important qu’elle avait jadis rempli au dehors, et la Russie, grandissant chaque jour, commençait à prendre sa place. Il y eut toutefois, après la mort de Charles XII, environ vingt années d’une