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en vue de remplacer la monnaie, aucune banque n’a la représentation en espèces de tous les billets qu’elle a émis ; c’est un crédit pour lequel il n’y a pas de provision suffisante. Sans doute les billets, ayant un rôle utile dans la circulation, ne viendront jamais tous au remboursement, il en restera toujours dehors un nombre plus ou moins considérable. Mettons que ce nombre soit de 5 à 600 millions, et qu’il y en ait 2 ou 300 à l’état flottant, susceptibles d’être convertis à tout moment, selon les besoins d’argent qui se manifestent : cela suffit pour mettre une banque en péril, surtout si, comme la plupart des banques aujourd’hui, elle a une certaine quantité de dépôts et 2 ou 300 millions d’espèces pour répondre du tout.

Le billet au porteur est aussi le moins efficace de tous les moyens de crédit. En effet prenons les 600 millions qui en France, abstraction faite de l’encaisse, constituent, à proprement parler, notre monnaie fiduciaire ; comparons-les, non pas à l’ensemble de la richesse mobilière, ni même au revenu annuel du pays, comme le faisait dernièrement un économiste distingué dans une réunion où se discutait précisément la question de la liberté des banques, car la circulation fiduciaire, en tant qu’elle remplit le rôle de monnaie, qu’elle sert d’instrument aux échanges, n’est pas un capital ordinaire dont l’importance peut se chiffrer par sa proportion avec le capital général d’un pays : c’est un capital sui generis, on ne peut que le comparer à lui-même ou à ce qui en tient lieu ; comparons donc les 600 millions de monnaie fiduciaire à tout ce qui dans un cas donné est susceptible de servir de règlement aux transactions, aux espèces métalliques pour les opérations au comptant, aux billets à ordre, lettres de change, chèques, mandats ou simples reconnaissances pour les opérations à terme ; supposons que cet ensemble des transactions, qu’il est impossible d’évaluer d’une façon exacte, soit de 20 milliards ou seulement de 15 : que sont à côté de ce chiffre les 600 millions de la circulation fiduciaire ? Ils en sont la vingt-cinquième partie, et si par un expédient quelconque, au prix des plus grands risques pour la sécurité commerciale, on parvenait à y ajouter 100 millions de plus, ils n’en seraient encore que la vingt et unième partie. On voit combien en définitive la monnaie fiduciaire a peu d’importance dans la circulation générale d’un pays, et combien il est chimérique de s’attacher au développement de cette monnaie pour agir sur le taux de l’intérêt, d’autant plus chimérique, on ne saurait trop le répéter qu’il ne s’agit pas là d’un capital nouveau jeté dans la circulation, mais tout simplement d’une dette de plus contractée, et qui, à un moment donné, peut causer les plus graves embarras. C’est précisément afin de prévenir ces embarras que les