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Page:Revue des Deux Mondes - 1865 - tome 57.djvu/1018

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dent ce miracle de la baisse artificielle de l’intérêt, les autres de la création ou de l’action dirigeante de certaines sociétés de crédit. Ceux-ci veulent des travaux publics toujours, des travaux publics partout ; ces braves gens, relevant leur langage industriel de je ne sais quel baragouin militaire, demandent la grande campagne de la paix, et réclament, pour organiser, les glorieuses batailles de l’industrie, le grand emprunt, le milliard de la paix. Certes il y a un moyen plus court, plus facile, un moyen infaillible de donner aux capitaux le stimulant que l’on cherche. Il ne s’agit pas d’emprunter un milliard, il s’agit pour une année de dépenser cent millions de moins ; il s’agit d’attendre un an pour que l’augmentation naturelle de la recette fournisse une ressource certaine, assurée d’avance, à la dépense minime qu’on aura eu le courage et le bon sens d’ajourner. Un budget fondé sur cette simple règle de prudence et se présentant comme l’inauguration d’un système auquel le point d’honneur financier de la France serait attaché répandrait partout l’aise et la confiance ; il ferait monter de 10 pour 100 les fonds publics, et, par une large élasticité rendue au capital national, il accomplirait avec simplicité un prodige que l’on attendrait vainement de l’action des institutions de crédit ou des systèmes insensés qui pensent rendre la paix féconde en l’obérant de dettes. Au lieu d’escompter l’avenir à un an ou à deux ans d’échéance au profit du présent, il faudrait au contraire mettre le présent en état de faire à l’avenir une petite avance. On n’escompte jamais impunément des ressources futures, quelque assurées qu’elles soient. L’opinion publique fait exactement la contre-partie de l’opération d’un gouvernement qui se plaît à hypothéquer l’avenir. Vous croyez vous enrichir dans le présent en anticipant sur vos ressources prochaines ! Puéril et vain calcul : au même instant, cette force positive d’opinion qui constitue le crédit vous reprend au centuple ce que vous croyez avoir acquis. Elle déprécie votre valeur dans la proportion où vous vous confiez aux incertitudes et à l’inconnu de l’avenir, et, cette dépréciation atteignant par contagion toutes les branches de la richesse publique, il se trouve que, pour avoir emprunté une minime ressource aux chances futures, vous vous êtes fait et vous faites aux intérêts économiques du pays un mal profond et retentissant.

La solution de nos difficultés financières, c’est l’histoire de l’œuf de Christophe Colomb. Il n’y a là aucun mystère, aucun sortilège ; il suffira, pour faire tenir le budget en équilibre, de prendre pour une année le parti de dépenser 100 millions de moins, d’attendre un an que la recette ait rejoint et dépassé la dépense. Il n’y a pas d’autre solution, et tous les retards que l’on mettra à y recourir seront funestes et aggraveront gratuitement les difficultés que l’on a créées. On nous fait espérer que nous arriverons à cette solution, c’est-à-dire à un excédant régulier des recettes sur les dépenses, dans trois années. L’honorable M. Vuitry, dont le talent distingué serait si bien fait pour exposer les mesures de progrès économique que