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tion ; il est possible qu’elles aient besoin d’apprendre expérimentalement l’utilité et la nécessité des garanties représentatives. Nos difficultés financières actuelles rouvrent les horizons de cette éducation politique ; elles montrent combien il serait nécessaire que les prérogatives du corps législatif fussent ou étendues ou exercées avec une vigilance plus jalouse. Nos difficultés financières proviennent de deux causes, d’une impulsion trop vive et trop mal concertée donnée aux travaux publics et de l’expédition du Mexique. Une certaine école semble avoir persuadé au pouvoir que la paix a ses victoires comme la guerre, et que ces victoires se remportent dans les campagnes de travaux publics. Quant à l’idée de fonder au Mexique un empire latin sous le gouvernement d’un archiduc autrichien, nous ne voyons ni le parti ni l’école qui peut l’avoir inspirée. Voilà les deux causes qui, agissant ensemble, nous font une situation financière si tendue. Autrefois c’était des chambres que venait l’excitation aux travaux publics : le gouvernement avait grand’peine de ce côté à se défendre contre l’entraînement des députés ; aujourd’hui c’est le gouvernement qui est le promoteur des grands travaux, et nous n’avons plus pour le retenir qu’à compter sur l’intelligence financière et la fermeté de la chambre. Non content de partager déjà avec le Mexique notre budget extraordinaire, le ministère des travaux publics demande 350 millions par un projet spécial qui absorbera, outre les forêts vendues, les accroissemens de revenu de plusieurs années. Quant au Mexique, sauf un petit nombre d’esprits dont les prévisions étaient taxées de malveillance, qui eût prévu, lors des modestes débuts de l’entreprise, ce qu’il nous a déjà coûté et ce qu’il nous coûtera encore ? L’affaire du Mexique commença l’année même où M. Fould nous apporta ses projets de réforme financière, au moment où s’achevait l’opération de l’unification de la dette, au lendemain du jour où les rentiers, confians dans la promesse d’économies qui devaient augmenter le taux de capitalisation du 3 pour 100, venaient de faire au trésor un cadeau gratuit de 150 millions. Qui eût pu croire, au moment où ce don héroïque était sollicité pour soustraire l’état et le crédit public à la nécessité d’un emprunt, que le double ou le triple de cette somme devait être dévoré en si peu de temps par l’entreprise du Mexique ? S’il eût été donné à une chambre représentative qui aurait voté l’unification de la dette et la soulte de se prononcer d’avance en pleine connaissance des choses, en pleine liberté, sur une entreprise politique telle que l’expédition mexicaine, il n’est pas douteux que cette chambre — eût aperçu ce qu’il y avait de contradictoire entre la politique financière qu’on venait d’inaugurer et la politique extérieure dans laquelle on allait s’aventurer, et qu’ayant le choix, elle eût préféré l’intérêt de la bonne économie des finances aux chances d’une guerre lointaine ; mais ce n’est plus du passé qu’il est question aujourd’hui : c’est à l’avenir qu’il faut songer.

La discussion des budgets a donc été cette année une préparation toute