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ment signifiée : celle de s’y plaire et d’y plaire. Ah ! que nous voilà loin de Rome et du cardinal Consalvi !

Consalvi était né à Rome le 8 juin 1757. Son véritable nom était Brunacci. Les Brunacci étaient l’une des familles les plus anciennes et les plus considérables de Pise. Le grand-père du cardinal, Grégoire Brunacci, avait quitté le nom et les armes de ses ancêtres, en acceptant l’héritage d’un Consalvi, son parent, de condition distinguée, mais n’appartenant point à la noblesse romaine. En Italie, une origine plus ou moins ancienne n’était point à cette époque chose indifférente. Plus d’une fois le futur ministre de Pie VII entendit la jalousie ou l’ignorance signaler à plaisir la nouveauté de sa famille ; ce fut l’un des traits de son caractère de ne s’en être jamais aucunement soucié. « Persuadé, dit-il, que la plus précieuse noblesse est celle du cœur et des actions, » il lui suffisait de savoir qu’il était bien un Brunacci, non pas un Consalvi. L’idée ne lui vint point de profiter plus tard de son élévation pour réclamer sa véritable descendance. Les commencemens de Consalvi furent parfaitement modestes. Il eut pour premier protecteur le petit-fils de Jacques II, Charles Stuart, duc d’York, évêque de Frascati. Le royal prétendant à la couronne d’Angleterre habitait alors la villa Muti. C’est près de là et sous ses yeux pour ainsi dire que fut élevé Consalvi. Son heureuse jeunesse s’écoula dans le séminaire de Frascati, momentanément retiré par le cardinal des mains des jésuites, mais que les révérends pères possèdent de nouveau aujourd’hui, sur les vertes collines qui s’étendent entre les riantes terrasses de la villa Aldobrandini et les sombres ombrages de la forêt de Grotta-Ferrata. Au sortir du séminaire, Consalvi entra sans prendre les ordres dans la carrière de la prélature. Il y fut doucement soutenu et poussé, d’abord par l’affection toujours croissante pour lui du duc d’York, mais aussi et surtout par son mérite déjà évident et ses agrémens tout personnels. Il serait long, difficile peut-être, d’expliquer à des lecteurs français la nature des emplois assez divers qu’occupa Consalvi. Seront-ils par exemple très avancés si nous leur apprenons qu’il fut successivement camérier secret du pape Pie VI ou prélat di mantettone', prélat domestique, référendaire de la signature, ponente del buon governo, secrétaire de l’hospice de Saint-Michel, votante della segnatura, puis enfin, en 1792, auditeur de rote ? Cette dernière place avait seule une véritable importance. Elle plaisait surtout à Consalvi parce qu’elle devait le mener lentement, mais certainement, au cardinalat, sans avoir à mendier jamais, — il a hâte de nous le dire, — la bienveillance de qui que ce fût. La modération dans ses désirs de fortune, le soin jaloux et constant de sa dignité personnelle, telles