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Page:Revue des Deux Mondes - 1865 - tome 57.djvu/259

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quelque sorte spontanée, par l’accord du gouvernement et des chambres. Qu’on remarque en effet ce qu’il y a d’étrange et de pénible dans un retard qui laisse une armée sur un sol lointain, en face d’un ennemi qui n’est plus un ennemi, et avec cette conviction qu’elle ne défend plus un intérêt du pays, qu’elle va d’un jour à l’autre replier son drapeau. Notez de plus que pendant ce temps il meurt vingt ou vingt-cinq hommes par jour de la fièvre, et néanmoins la question va du gouvernement au congrès, du congrès au sénat, et c’est à peine si elle va toucher définitivement à son terme. D’un autre côté, le ministère avait à remédier à une situation financière devenue désastreuse, surchargée de déficits et aggravée encore par les mauvaises conditions où se trouve le crédit espagnol sur les places de l’Europe. Qu’a-t-il fait pour dégager cette situation ? Deux ministres se sont succédé dans la direction des finances, M. Barzanallana et M. Alejandro Castro. L’un a proposé une anticipation d’impôts, l’autre propose une négociation de 300 millions de billets hypothécaires qu’on cherchera à faire souscrire le mieux possible, et qui, faute de souscriptions volontaires, seront prélevés sur les plus hauts contribuables. Ce ne sont là évidemment que de vains palliatifs, et nous ne savons jusqu’à quel point cet embarras peut être diminué par le don qu’a fait la reine de son patrimoine, don généreux sans doute, mais qui d’un côté ajoute à la masse de biens nationaux à vendre, et de l’autre crée au trésor la nécessité de payer immédiatement à la reine le quart de la valeur de ses propriétés. Avec tout cela, le trésor espagnol fera une étape, et la question est manifestement éludée faute d’un esprit résolu à entreprendre les réformes économiques nécessaires. L’essentiel eût été de procéder hardiment dès le premier jour à une liquidation sincère et complète, de voir clair dans cette confusion de déficits accumulés qui retombent sans cesse sur le trésor, de rendre enfin à la situation économique du pays toute son élasticité par la création de ressources régulières, et par le rétablissement du crédit. Il y a peu de temps, le ministre des finances, M. Castro, faisait en plein congrès une déclaration assez superbe. Il avouait que le crédit espagnol subissait aujourd’hui un véritable blocus en Europe, et il ajoutait que tant que le blocus durerait, l’Espagne ne pouvait entrer en transaction. C’est fort bien ; il est clair seulement que l’Espagne perd chaque jour à soutenir cette gageure, et qu’il lui en eût coûté beaucoup moins à s’arranger équitablement dès l’origine avec ses créanciers. Plus d’un ministre a cru à la nécessité d’un arrangement de ce genre, aucun n’a osé le proposer ; ils préfèrent tous recourir à des expédiens, à des négociations onéreuses. rien de semblable ne fût arrivé, si cette réorganisation des finances et du crédit se fût liée à un vrai mouvement libéral qui eût fait la force du gouvernement en appelant la confiance du pays.

Le malheur de ces situations faussées, c’est de commencer par l’impuissance et d’arriver quelquefois à la violence sans qu’on s’en doute. C’est là