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que chacun de ces palmiers, suivant la règle de Macaire, était destiné à servir de pilori pour la fustigation de certains coupables. Le premier était réservé aux moines convaincus d’infraction à la discipline, le second aux voleurs, s’il s’en trouvait dans la contrée, le troisième aux criminels fugitifs ou aux étrangers qui tentaient d’échapper à la justice civile en se couvrant de la sainteté du lieu. On leur faisait embrasser le palmier, et on leur administrait un nombre de coups de fouet proportionné à leurs démérites.

En parcourant le plateau de la montagne, ils aperçurent sept moulins employés à moudre le grain des couvens et une maison où semblait régner une assez grande agitation. On leur apprit que c’était l’hospice ou hôtellerie des étrangers que la communauté hébergeait. La règle était qu’ils y demeurassent tant qu’il leur plairait, plusieurs semaines, plusieurs mois, et même deux ou trois années ; mais à l’expiration de la première semaine on leur distribuait des tâches pour les besoins des monastères. Celui-ci était envoyé à la boulangerie, celui-là au jardin, cet autre à la cuisine. Les personnes instruites recevaient un livre avec invitation de ne point parler avant midi. La règle intérieure des monastères, qu’ils ne pouvaient voir fonctionner, leur fut également expliquée. « Ces hommes si étroitement emprisonnés, leur disait-on, mettent leur bonheur dans leur séquestration même. Quand les affaires de la communauté exigent qu’on dépêche quelque frère aux provisions ou en mission, c’est à qui s’excusera, et l’acceptant ne le fait que par obéissance. » Ainsi renseignés sur la Ville-des-Saints, ils prirent congé de l’évêque et se rendirent aux Cellules, quartier des anachorètes.

C’est là surtout que se déployait la poésie du désert sous l’originalité des inspirations personnelles, là que s’inventaient les moyens les plus ingénieux de torturer le corps pour améliorer l’âme, là que s’accumulaient les souffrances savantes comme autant de degrés pour escalader le ciel. Chaque cellule avait sa physionomie, chaque ermite son caractère particulier d’austérité. L’un vivait sur la pointe d’un roc, l’autre dans les entrailles de la terre ; celui-ci s’exposait presque sans abri au soleil torride de l’Égypte ; celui-là n’apercevait jamais le jour. Leur manière de vivre, leurs costumes offraient aussi les bizarreries les plus variées ; mais sous une enveloppe sauvage, plus rapprochée souvent de l’animal que de l’homme, se cachaient des âmes simples et charitables, de nobles cœurs, parfois même de grands esprits. Jérôme et Paula se portèrent vers les cellules des plus célèbres, Sérapion, Arsénius, Macaire, etc., héros de ces solitudes, exilés volontaires après lesquels courait le monde.

Sérapion habitait une caverne située au fond d’un trou, où l’on descendait par un sentier abrupte à travers un fourré de broussailles. La caverne suffisait à peine pour contenir un lit de feuilles sèches