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Page:Revue des Deux Mondes - 1865 - tome 57.djvu/621

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Sur les côtes du sud, les cultes indigènes étaient entre les mains des brahmanes ; mais ces derniers s’y trouvaient en petit nombre, parce que la religion avait circonscrit dans le nord de la péninsule la contrée par excellence, l’aryavartta, dont ils devaient faire leur séjour. A Karikal et dans tout le Carnatic et le Malayalam, on n’eût peut-être pas rencontré un seul xattriya ou homme de la seconde caste, celle des guerriers. La troisième caste, celle des væyas ou marchands, qui était la plus nombreuse au centre de l’Inde, avait dans le sud contracté depuis des siècles de si fréquentes alliances avec les castes inférieures, que l’origine aryenne y était souvent devenue méconnaissable. L’Orissa et le Ghandwâna, qui remontent jusque dans le voisinage des bouches du Gange, étaient occupés par les populations primitives de l’Inde et en majeure partie par des Chandâlas, l’une des castes les plus méprisées de l’Inde ancienne et moderne. Pour trouver les hommes de race supérieure dans un séjour qui fût à eux et les voir tels qu’ils étaient, il fallait donc pénétrer dans l’intérieur de l’Indoustan, ce que ni les Portugais ni les Hollandais n’ont pu faire et ce que Dupleix lui-même n’aurait probablement jamais pu réaliser. L’histoire des faits accomplis ne peut donc considérer ces premiers établissemens que comme la préparation d’un dénoûment auquel les générations présentes assisteront, et que déjà elles peuvent entrevoir.

C’est une des plus saisissantes pages de l’histoire du monde que le développement de la puissance anglaise dans l’Inde et le mouvement d’idées qui en a marqué les différentes époques ; mais la page qui s’écrit en ce moment dans les faits l’est plus encore et paraît devoir marquer une des ères les plus importantes de l’humanité. Les Anglais n’étaient venus dans l’Inde que cent dix ans après le voyage de Vasco de Gama ; leur premier comptoir avait été établi à Surate (Surâshtra) en 1611. C’est au milieu du XVIIe siècle que le médecin Boughton vendit à la compagnie l’autorisation de commercer avec l’intérieur, autorisation que lui-même avait reçue de l’empereur mongol Shah-Djihân. L’établissement des Anglais sur l’Hougly, la branche la plus accessible du Gange, fut la véritable origine de leur fortune : plus voisine de la mer que Chandernagor, Calcutta devint peu à peu le véritable entrepôt du commerce pour l’immense Vallée qui s’étend des monts Vindhyas à l’Hymâlaya et des bouches du Gange au Pendjab. Les ports européens répandus sur les rivages ne donnent accès que dans des pays d’une moindre étendue : Surate, Bombay, Goa, Mahé, Calicut, ont au-dessus d’eux la haute chaîne des Ghates, derrière laquelle les eaux descendent vers l’orient. Les terres que baignent ces rivières offrent plus d’espace à la culture que la bande étroite comprise entre les