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lement pour prophète ? se croit-il simplement inspiré ? Non, il se dit fils de Dieu, non pas comme aurait pu le dire tout autre homme à sa place, en souvenir d’Adam, non, fils de Dieu, dans l’acception du mot la plus franche et la plus littérale, fils né de Dieu directement, fils engendré et de même substance.

Essayez de forcer, de torturer les textes, pour leur en faire dire moins, vous n’y parviendrez pas. Les textes sont formels, ils sont nombreux, sans équivoque. Pour refuser de croire à la divinité de cet homme, vous n’avez qu’à choisir entre ces deux moyens : attaquer son propre témoignage, si vous tenez pour vrais les Évangiles, ou bien mettre en soupçon les Évangiles eux-mêmes.

Attaquer son propre témoignage, c’est-à-dire supposer que, par défaut de clairvoyance, il aura pu de bonne foi se méprendre sur son origine, ou bien encore que, par intention frauduleuse, il s’est attribué sciemment une fausse qualification. Dans les deux cas, tout l’édifice croule. Cet être dont les lumières incomparables fous forçaient à lui donner place au-dessus de l’humanité, le voilà qui n’est pas capable de discerner son propre père. Et d’un autre côté ce moraliste inimitable, ce chaste et beau modèle de toutes les vertus, le voilà qui vous devient suspect d’une plate supercherie. Point de milieu : il faut que ce mortel soit fils de Dieu, comme il le dit, ou qu’il descende au dernier rang, parmi les dupes innocentes ou les charlatans imposteurs.

Est-ce au contraire aux Évangiles eux-mêmes que vous vous attaquez ? Rien n’est moins difficile, si vous restez à la surface. Armez-vous d’ironie, provoquez le sourire, ne traitez rien à fond, vous aurez pour un temps la partie belle et les rieurs pour vous ; mais si vous prétendez approfondir les choses et prendre, au nom de la science, les allures de l’impartialité, comme il vous faudra reconnaître que la plupart des faits évangéliques sont historiquement établis, qu’il n’y a là ni mythe ni légende, que le lieu, le temps, les personnes sont absolument hors de doute, de quel droit irez-vous refuser confiance à telle série de faits lorsque telle autre, adoptée par vous, ne repose ni sur des preuves plus directes, ni sur de meilleurs témoignages, et n’a d’autre supériorité qu’une prétendue vraisemblance dont vous réglez la mesure ? Rien de plus arbitraire et de moins scientifique que cette façon de faire son choix, de décider que tel évangéliste mérite tout crédit quand il se borne à citer des discours, mais qu’il n’est plus croyable dès qu’il fait lui-même un récit ; que tel autre au contraire falsifie les discours qu’il rapporte, mais qu’il dit certains faits avec l’accent d’un témoin oculaire. Tout cela n’est que pure fantaisie. Ce qu’il y a de certain, c’est que les Évangiles, de si près qu’on les serre, résistent à la critique et demeurent à jamais d’indestructibles documens. Quel