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afflictive ; puis, s’il est vrai, comme on n’en peut douter, que cette faculté ou cette puissance de sociabilité qui est notre nature même soit d’autant plus avide d’expansion chez les détenus de la cellule qu’elle est plus durement refoulée, ne serait-ce donc rien que de la voir bientôt, au lieu de s’exercer et de se répandre comme autrefois au milieu de malfaiteurs qui ne peuvent que la pervertir, prendre au contraire insensiblement, et de proche en proche, l’empreinte plus favorable de communications saines et sympathiques ? Qui peut dire que sous cette action incessante, que rien d’ailleurs ne viendrait troubler, on ne verrait pas éclore enfin dans ces consciences arrachées à leur sombre endurcissement, sinon régénérées, le germe fécond et béni d’un sincère retour au bien ? N’arriverait-il pas alors aussi, à chaque nouveau pas des condamnés dans cette voie, que par un juste retour, et dans une proportion en rapport exact avec le progrès même de la réforme morale, l’action douloureuse de l’isolement perdrait tous les jours de son amertume ? Et tout cela, qu’on veuille bien le remarquer, par l’effet propre et naturel de la peine, sans qu’ici on puisse jamais, par le fait même de l’homme, s’égarer dans des calculs suspects ou des combinaisons équivoques ! Toutes les fois que je rencontre cet aspect vraiment admirable et si consolant du système cellulaire, je me sens, je l’avoue, très vivement ému : c’est qu’il me semble sans doute, — et tout est là, qu’on y songe bien, — que l’on est ainsi sur la trace même de la réforme et de l’amendement véritable des condamnés. Ce n’est qu’une trace, je l’accorde ; mais l’empreinte en est vive, et je ne sais pas en détacher mes regards. Est-ce donc de la détention en commun que l’on pourrait jamais attendre de telles promesses ou de telles espérances ?

Il est un autre point, très considérable aussi, où l’emprisonnement cellulaire ne craint pas davantage la comparaison. C’est une très juste et très heureuse idée de M. Bonneville que celle qui tend à ménager au dehors au condamné des relations de travail et de patronage avant l’entier accomplissement de sa peine. M. Bonneville aime à faire remarquer d’ailleurs que cette idée peut être également appliquée dans les deux systèmes de la détention en commun et de l’emprisonnement cellulaire ; ce n’est pas dire assez, car il est manifeste que le travail extérieur et le patronage seront bien plus accessibles dans le système de l’isolement. Cela s’explique par cette raison toute simple, que la confiance du patron est d’autant plus grande qu’il a plus de motifs de croire que celui qui sera tout à l’heure admis à son foyer aura moins subi l’influence si dangereuse des communications entre prisonniers. Or il n’est pas besoin de dire que dans la détention en commun ils se voient tous, se