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quelques travaux du côté de la plaine de Thèbes. Les vieillards du pays se souviennent d’avoir vu cet homme à la tête d’une troupe de raïas armés de pieux, de pioches et de poudre, attaquer de toute son énergie la roche compacte du Ptoüs, encourageant ses travailleurs du geste et de la voix, battant des mains et distribuant des récompenses chaque fois que ses mineurs inexpérimentés faisaient sauter un quartier de pierre. Il dut bientôt cependant reconnaître son impuissance et renoncer à une entreprise au-dessus de sa science et de ses forces. A voir les traces peu profondes laissées par cette tentative puérilement conduite, on serait tenté de sourire, si elle n’était après tout le témoignage d’une noble et généreuse inspiration. Les travaux par lesquels il sera nécessaire de procéder à l’assainissement de la plaine du Copaïs sont lumineusement indiqués dans le mémoire de M. Sauvage. Ils n’offrent plus aujourd’hui de telles difficultés et n’exigent pas de telles dépenses qu’une compagnie ne puisse avoir la hardiesse de les entreprendre, avec la certitude d’obtenir les résultats les plus avantageux[1].

Il faut écarter l’idée, séduisante au premier abord, d’utiliser les canaux souterrains ébauchés par la nature. La trop grande élévation de l’orifice au-dessus du niveau des basses eaux, l’exiguïté, l’irrégularité, la direction inconnue des fissures intérieures de la montagne, des frais exorbitans, un résultat incertain, s’opposent à l’exécution d’un tel projet. La seule opération réellement utile et praticable consiste à donner aux eaux du lac une issue spéciale par la voie la plus courte possible, à travers les rochers qui séparent le Copaïs de la mer. La nature semble avoir indiqué le col de Képhalari comme le point le plus favorable à cette opération. En effet, c’est à cet endroit que la muraille à percer offre le moins d’épaisseur, et de plus de l’autre côté du col se trouve un ravin large, encaissé, profond, se précipitant avec une pente rapide vers le canal de Négrepont, creusé tout exprès pour emporter les eaux à la mer sans exiger aucun travail de la part des hommes. Au pied du Képhalari, la plaine est à 97 mètres au-dessus du niveau de la mer ; le sommet

  1. Le dessèchement du Copaïs a été l’objet d’un texte de loi qui allait être voté par la dernière assemblée constituante d’Athènes au moment où elle a été dissoute. Ce projet sera présenté l’un des premiers à la prochaine assemblée. Deux compagnies, l’une française, l’autre anglaise, ont depuis longtemps demandé la concession des travaux du Copaïs. On assure que la société hellénique de crédit foncier, à la tête de laquelle se trouve un capitaliste, M. E. Baltazzi, dont le nom est très honorablement connu dans les hautes sphères financières de l’Orient, se propose de se charger elle-même du dessèchement du Copaïs. On croit également que. la moitié au moins des actions de cette entreprise sera prise dans le pays, non-seulement par les Grecs aisés, mais par les paysans eux-mêmes, empressés de coopérer ainsi à des travaux dont ils commencent à apprécier les bienfaits. N’est-ce pas là un symptôme de plus à noter des préoccupations sérieuses, des dispositions sages et pratiques qui distinguent maintenant le peuple grec ?