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Page:Revue des Deux Mondes - 1865 - tome 57.djvu/891

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tribué à retarder son développement matériel, peut aujourd’hui s’exercer presque impunément, grâce à l’état d’abandon et d’isolement où se trouve l’intérieur du pays, à la facilité que les klephtes’ ont de passer la frontière, à la complicité fréquente de quelques peuplades ignorantes et misérables. Le gouvernement grec a toujours déclaré, dans ses documens officiels, que la répression du brigandage sur les frontières seulement nécessite l’entretien de 2,500 hommes de troupes régulières et lui coûte par an plus de deux millions. Et encore ces 2,500 hommes ne peuvent-ils s’acquitter de leur mission que très imparfaitement. Répartis en postes trop éloignés les uns des autres pour s’assister mutuellement et pour exercer une surveillance efficace, obligés de parcourir des chemins impraticables, des sentiers où ils s’égarent sans cesse par leur ignorance des lieux ou par la mauvaise volonté de leurs guides, il leur faut plusieurs jours pour se mettre sur la trace des bandes qui leur sont signalées, et ils arrivent le plus ordinairement quand celles-ci sont en sûreté hors du territoire grec. Lorsque la Grèce possédera un chemin de fer serrant de près ses frontières dans tout leur développement de l’est à l’ouest, on a calculé que l’effectif des troupes employées à la répression du brigandage dans cette partie du royaume pourra être diminué des deux tiers, et la dépense réduite à cinq ou six cent mille drachmes. Quatre ou cinq cents hommes bien équipes et bien disciplinés, transportés en cinq ou six heures d’un bout de la ligne à l’autre, rempliront efficacement un service auquel des forces quintuples ne peuvent suffire aujourd’hui. Non-seulement ce chemin formera un obstacle que les klephtes les plus audacieux auront de la peine à franchir ; mais, en activant la circulation sur toute la surface de la Grèce, en favorisant sur son parcours la formation de centres de population multipliés, laborieux, particulièrement intéressés au maintien de l’ordre, il détruira peu à peu le penchant inné du peuple à la klephtourie et affermira ainsi la sécurité publique sur une base de plus en plus solide.

Les chemins de fer ouvriront à la Grèce une autre source d’économies en offrant une lucrative carrière à cette jeunesse active, intelligente, mais dénuée de ressources, qui encombre les abords de tous les ministères et sollicite avidement les emplois les plus humbles comme les plus élevés. Les solliciteurs sont pour la Grèce une plaie presque aussi cruelle que les klephtes ; leur multitude est telle que le gouvernement est obligé d’entretenir dans les administrations publiques un personnel deux fois plus nombreux que les besoins réels du service ne l’exigent[1], et encore faut-il renouve

  1. Le rapport de la commission du budget de 1864 proposait déjà une réduction de dépenses de 2 millions, réduction portant exclusivement sur le personnel administratif et militaire. Si, même dans l’état actuel des choses, on admet la possibilité d’effectuer une telle réduction, l’on comprend que le chiffre ainsi obtenu sera bien plus élevé lorsqu’une nouvelle portion de ce personnel pourra être reportée dans les administrations financières, agricoles, industrielles.