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Page:Revue des Deux Mondes - 1865 - tome 57.djvu/903

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Photius, qui notait chaque jour avec ses réflexions les lectures qu’il avait faites dans sa riche bibliothèque byzantine, dit qu’il a lu un traité d’Hippolyte où celui-ci combat trente-deux hérésies (dans notre livre, il y en a trente-quatre ; mais M. de Bunsen croyait pouvoir en retrancher deux et n’en être que plus exact). Ensuite l’auteur nous apprend lui-même, vers la fin de son ouvrage, qu’il a composé un traité philosophique sur l’essence de l’univers, et nous savons encore par le même Photius que ce traité s’intitulait aussi tout simplement : De l’Univers. C’est ici que l’archéologie vient en aide à la critique. Dans une salle du Vatican se trouve une statue de marbre déterrée au XVIe siècle, et qui représente un homme assis sur une cathèdre ou siège d’honneur. Cette statue passe pour celle d’Hippolyte, et non sans raison. Le dos du siège porte des inscriptions grecques dans lesquelles on reconnaît un catalogue d’ouvrages fort semblable à celui qu’Eusèbe et Jérôme nous ont transmis sous le nom d’Hippolyte, en particulier un canon pascal, c’est-à-dire un indicateur des jours sur lesquels doit tomber chaque année la fête de Pâques, embrassant une période de sept fois seize années, précisément comme celui que ces deux écrivains lui attribuent. Cette statue, qui doit être du IVe siècle, a été trouvée sur l’emplacement d’un ancien cimetière, tout près du tombeau de saint Laurent, au martyre duquel, selon la tradition, Hippolyte fut associé. Il n’est donc pas douteux que cette statue ait été sculptée en l’honneur d’Hippolyte, lors même qu’il serait difficile de penser qu’elle reproduit ses traits réels. Eh bien ! parmi les écrits dont les titres sont gravés sur le dos de la cathèdre s’en trouve un intitulé : De l’Univers.

Mais comment se fait-il, continue M. de Bunsen, qu’Hippolyte, puisque c’est lui, s’attribue la dignité épiscopale, écrive comme un habitant de Rome, fasse même partie du clergé chrétien de la capitale de l’empire, et que pourtant son nom n’apparaisse sur aucune liste pontificale ? — A cela le noble écrivain répondait par une hypothèse ingénieuse, mais un peu téméraire. D’après plusieurs anciens auteurs, disait-il, Hippolyte a été évêque de Porto, ce port de mer que Claude fit creuser à cause des ensablemens qui rendaient celui d’Ostie toujours moins accessible. Porto n’était qu’à quelques lieues de Rome, et très probablement son évêque était en même temps presbytre ou membre du presbytérat romain, où il siégeait comme si Porto eût été une paroisse de Rome.

Telle fut l’explication de M. de Bunsen, et l’on verra qu’il avait du premier coup serré d’assez près la vérité. Seulement, trop enchanté de sa découverte, il s’en exagéra la valeur. D’abord il présenta sa combinaison comme très solide, ce qu’elle n’était pas. Partant de là, il se mit à décrire, avec une prolixité parfois un peu