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avait en réalité dénoué le nœud proposé à la critique. Plusieurs théologiens adoptèrent son explication dans ce qu’elle avait d’essentiel, mais trouvèrent qu’elle péchait par beaucoup de détails imaginaires et de preuves arbitrairement déduites. D’autres allèrent plus loin, et, comme on pouvait s’y attendre, l’opposition déclarée vint des deux côtés dont M. de Bunsen avait cru trop facilement triompher au moyen du livre récemment découvert, c’est-à-dire du côté de Tubingue et du côté catholique.

A Tubingue, MM. Baur et Zeller n’eurent pas de peine à faire ressortir l’aspect romanesque des combinaisons auxquelles M. de Bunsen avait dû recourir pour donner du corps à son explication. — Vous dites, lui fut-il objecté, qu’Hippolyte était sans doute à la fois évêque à Porto et presbytre à Rome ; mais c’est une monstruosité historique qu’une pareille hypothèse ! Jamais pareille chose ne s’est vue, n’a pu se voir au IIIe siècle. Vous prétendez que les descriptions qu’il fait des systèmes gnostiques, les citations qu’il emprunte aux ouvrages composés par les chefs d’écoles hérétiques démontrent que le quatrième évangile était écrit depuis longtemps quand ceux-ci commencèrent à enseigner ; mais comment n’avez-vous pas vu que votre auteur ne sait pas distinguer entre les chefs d’école et leurs disciples, qu’à chaque instant il cite textuellement des passages d’autrui avec le mot sacramentel φησί, dit-il, sans qu’il soit possible de déterminer quel est cet autrui ? Vous affirmez que Photius a lu cette réfutation des hérésies en dix livres et qu’il l’attribue à Hippolyte ; mais Photius nous dit que ce qu’il a lu est un petit livre, βιβλιδάριος, dans lequel on comptait trente-deux hérésies, commençant par celle du faux messie Dosithée, se terminant par celle de Noet, et dont l’auteur n’admettait pas que l’épître aux Hébreux fût de l’apôtre Paul ; or le livre retrouvé est considérable, il réfute trente-quatre hérésies, ne commence pas par Dosithée, ne finit pas par Noet et ne dit rien de l’épître aux Hébreux. Et quant à la fameuse statue, quel fond voulez-vous faire d’un pareil témoignage ? Est-ce qu’au IIIe siècle on élevait des statues de marbre aux auteurs chrétiens ? D’ailleurs, parmi les ouvrages dont le nom est gravé sur la base, il n’y a rien qui ressemble à la Réfutation de toutes les hérésies. Vous croyez parvenir à votre but par un détour, vous relevez sur le dos de la cathèdre le traité De l’Univers que Photius a connu aussi ; mais Photius dit en toutes lettres que ce traité est l’œuvre de celui qui a composé un autre écrit anti-hérétique intitulé le Labyrinthe, et que l’auteur du Labyrinthe est Caïus, contemporain, lui aussi, de Zéphyrin et connu comme adversaire en titre de plusieurs hérésies de la même époque. C’est lui, c’est Caïus qui est le véritable auteur du livre découvert, et il est inutile d’en chercher d’autres.