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vant, d’une impartialité remarquable dans les limites que sa foi lui prescrit, et dont les ouvrages de controverse diffèrent essentiellement de ces élucubrations superficielles et injurieuses que les zélateurs de la tradition ecclésiastique opposent si souvent, avec une naïveté qui confond, aux travaux les plus sérieux de la critique. Il y a du plaisir et du profit-à discuter avec M. Dœllinger. On reste avec lui sur le terrain de la politesse, on trouve en lui un vrai connaisseur de l’antiquité chrétienne, comprenant la valeur des découvertes nouvelles et tout disposé à leur concéder beaucoup à la seule condition que les bases de la foi catholique resteront intactes. Quelle position prit-il dans le débat qui nous occupe ?

Au point de vue de l’anti-romanisme, M. de Bunsen avait fait coup double. Il avait à la fois démonétisé un saint et noté d’hérésie deux papes. Le saint Hippolyte du calendrier romain n’était plus qu’un rebelle, un ennemi déclaré de deux évêques romains, ses contemporains, et deux papes auraient professé de damnables erreurs sur la Trinité. M. Dœllinger tomba d’accord qu’il n’y avait pas moyen d’attribuer le livre à Origène ; il reconnut qu’il était bien d’Hippolyte, comme l’avait dit M. de Bunsen ; puis, forcé de faire un choix, des deux inconvéniens il choisit le moindre, il abandonna le saint pour sauver les deux papes, et il s’expliqua dans un ouvrage d’une lecture facile et instructive intitulé Hippolytus und Kallistus. La partie la mieux traitée de cet ouvrage est sans contredit celle où l’auteur porte le flambeau d’une fine et libre critique sur la légende de saint Hippolyte. Ce travail faisait défaut à l’œuvre de M. de Bunsen. Il en résulte qu’il faut distinguer au moins cinq Hippolytes qui sont venus se fondre dans une personnalité historique, en lui donnant, par cette fusion, les traits les plus incohérens. La tradition la plus ancienne, la seule qui puisse passer pour historique, parle simplement d’un presbytre Hippolyte qui fut exilé en Sardaigne en 235, en compagnie de l’évêque de Rome Pontien. — Puis il est un autre Hippolyte, officier de l’armée impériale, chargé de garder saint Laurent pendant les jours qui précédèrent le martyre de celui-ci, et qui, gagné à l’église chrétienne par son prisonnier, fut condamné à mort à son tour ; mais il dut à son nom et aux réminiscences mythologiques du magistrat qui avait prononcé l’arrêt d’être attaché à des chevaux sauvages qui le mirent en pièces. M. Dœllinger ne met pas en doute que cette légende ne soit née dans l’imagination populaire d’une confusion naïve entre le fils de Thésée et l’Hippolyte de la tradition chrétienne. Cette confusion put avoir pour cause première quelque peinture, quelque fresque représentant la mort d’Hippolyte, et que le poète Prudence (vers 400) paraît avoir vue dans le voisinage d’une église dédiée à saint Laurent, car il décrit quelque chose qui y ressemble beau-