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et Hippolyte, nous pouvons l’ajouter aujourd’hui, sont tous partisans déclarés de la théorie du Verbe personnel, mais non moins unanimes à proclamer sa subordination, son infériorité relativement au Père. C’est bien certainement pour eux un Dieu de second ordre.

La question de l’unitarisme nous ramène à cette société chrétienne du IIIe siècle à Rome où nous introduit le livre d’Hippolyte. À cette époque, l’unitarisme, d’après les déclarations formelles de Tertullien et d’Hippolyte, possédait encore les sympathies de la masse chrétienne ; mais il était loin d’être homogène, et il se partageait en deux branches bien distinctes. L’une, qui ressemble beaucoup à l’unitarisme moderne, voulait sauver l’unité divine en ne reconnaissant entre Jésus et Dieu qu’un rapport d’unité morale, d’amour et d’obéissance, dont l’expression théologique est fournie par l’idée chrétienne du Saint-Esprit communiqué par le Père céleste à son bien-aimé. C’est cette branche de l’unitarisme qui eut pour représentans Théodote de Byzance, Artémon, Bérylle de Bostra, et surtout, depuis 260, le brillant évêque d’Antioche, Paul de Samosate, l’ami de la reine Zénobie, grand homme calomnié dont la vie mériterait une étude à part. Ce genre d’unitarisme existait encore à Rome au temps d’Hippolyte, mais il avait déjà perdu du terrain. L’évêque Victor avait même excommunié Théodote. Il est visible que c’est l’autre branche de l’unitarisme primitif, celle qui se rattache aux noms de Praxéas, de Noet de Smyrne et surtout de Sabellius, qui, depuis Victor, jouit à Rome de la prépondérance, au point même que les évêques Zéphyrin et Calliste se déclarèrent publiquement en sa faveur. Cet unitarisme, qu’on a plus tard nommé sabellien, maintenait l’unité divine en supprimant autant que possible et même complètement toute distinction de personne entre Jésus et Dieu, entre le Fils et le Père, et réduisait leurs différences à de simples modes, manières d’être ou noms d’un seul et même être personnel. On peut s’apercevoir, en étudiant de près les représentans de cette tendance, qu’elle pouvait revêtir deux formes, l’une populaire, assez grossière, qui disait tout bonnement que Jésus était le Créateur lui-même apparu sous forme humaine, ayant souffert la douleur et la mort, l’autre plus philosophique et donnant aisément dans le panthéisme. Aussi Hippolyte, toujours empressé à rattacher chaque hérésie à une école philosophique déterminée, reproche-t-il à ces unitaires d’être des disciples d’Héraclite. On se rappelle sans doute que ce philosophe d’Éphèse enseignait déjà vers la 49e olympiade des principes qui ressemblent singulièrement à ceux du système hégélien. L’univers était, selon lui, l’unité générale dans laquelle se résolvent les oppositions simultanées ou successives, de sorte