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Page:Revue des Deux Mondes - 1866 - tome 64.djvu/213

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LES VOIES ROMAINES EN GAULE.

société archéologique de Constantine, on peut aujourd’hui refaire d’une manière bien plus complète qu’il y a trente ans la géographie de l’Afrique romaine. Les investigations de M. Hübner dans la Péninsule ont fourni les premiers élémens d’un travail analogue pour l’Espagne et le Portugal. L’Angleterre possède maintenant assez d’inscriptions latines trouvées sur son sol pour reconstruire sa carte au IIIe siècle de notre ère ; mais quoique ce pays compte des antiquaires et des philologues distingués, il ne possède pas d’épigraphistes éminens, et un travail semblable à celui qu’a entrepris la commission de la carte des Gaules ou à celui qui a été exécuté pour une partie de l’Allemagne méridionale et occidentale est encore à faire pour l’antique Albion. C’est de l’ensemble de ces travaux que sortira la restitution complète du vaste réseau de routes dont le peuple-roi avait couvert son empire. En Italie, l’œuvre est à peu près terminée. On peut, avec une grande approximation, dessiner le tracé des routes célèbres qui rayonnaient autour de Rome et dont on retrouve en tant de lieux le pavé et la vieille disposition. Un explorateur d’une grande sagacité, M. Pietro Rosa, aujourd’hui directeur des fouilles exécutées au Palatin par les ordres et aux frais de l’empereur, est certainement celui qui a le plus contribué à la restauration des itinéraires de l’Italie ancienne. Il n’est aucun point de la campagne de Rome qu’il n’ait visité à plusieurs reprises, et il a scruté dans les moindres détails tous les problèmes de la topographie du Latium. Ses recherches, libéralement mises à la disposition d’une foule de voyageurs et d’érudits, ont facilité des publications où nous ne savons pas assez la part qu’il a prise. On ne peut jeter les yeux sur les belles cartes que M. Pietro Rosa a dressées et où il a consigné toutes ses découvertes, indiqué le parcours exact des voies, l’emplacement d’une foule de villes détruites, sans être frappé du génie organisateur de la petite population qui devait faire de ce canton de l’Italie le centre de l’univers. Les Grecs avaient déjà, avant les Romains, manifesté à un haut degré l’intelligence des constructions et le génie des arts, mais, chez eux, le sentiment esthétique dominait. À Rome, la pensée politique, la préoccupation de l’utile l’emportent sur l’instinct du beau. Les nombreux travaux que les Romains exécutent ont pour objet de consolider leur autorité, de perpétuer leur mémoire, de rattacher par des besoins communs la métropole aux villes des provinces, d’établir en un mot un courant d’idées, d’usages et d’habitudes qui romanise tous les peuples et les absorbe dans la vie de leurs dominateurs. Entre ces constructions, les voies sont peut-être celles qui personnifient le mieux le caractère, la marche et les progrès de la puissance romaine ; elles s’étendirent chaque jour davantage, por-