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LA GUERRE EN 1866.

ont reçu des solutions satisfaisantes, et l’on a cru pouvoir enfin passer à l’armement d’une troupe.

Le Cours de tir de M. C. de Cuverville donne (page 529) une description du fusil Chassepot ; mais depuis l’époque où parut ce livre, c’est-à-dire depuis 1864, cette arme a reçu des perfectionne- mens qui ont beaucoup modifié et sa construction et sa cartouche, laquelle importe autant à la puissance de l’arme que le mécanisme lui-même. On ajoute qu’à cet égard le dernier mot n’est pas dit, et que l’on espère beaucoup de nouvelles modifications qui sont en cours d’étude. Par suite, il n’existe pas une description de cette arme dans l’exactitude de laquelle on puisse avoir confiance ; il faut se contenter d’exposer les résultats que l’on en a obtenus avec des soldats pris dans les rangs et non pas choisis pour leur adresse et leur agilité.

En ce qui touche la rapidité du tir, qui semble être aujourd’hui la qualité la plus recherchée, un tireur à côté de qui l’on met des cartouches libres sur une table ou sur un banc peut, avec le fusil Chassepot, tirer douze coups par minute ; mais c’est un tir que le soldat le plus robuste et le plus habile ne peut soutenir au-delà d’une trentaine de coups ; passé ce chiffre, le nombre diminue sensiblement. La même circonstance se produit avec le fusil prussien, dont on n’a pas pu obtenir huit coups à la minute, et dont le tir faiblit aussi, même dans la main de l’homme le plus expérimenté, vers le vingt-cinquième coup. Ce n’est pas la réaction de la poudre et le recul qui sont la cause de ce fait, c’est tout simplement la fatigue, surtout celle du bras gauche, qui porte toujours l’arme et souvent en supporte le poids tout seul. Au lieu de fournir les cartouches libres à la disposition du soldat, si on le contraint à puiser dans sa giberne, le tir descend à six coups par minute ; il remonte à sept ou à huit, si l’on permet au tireur de prendre ses munitions dans la poche droite de son pantalon. Pour éprouver la justesse de l’arme, on a fait tirer sur des cibles de deux mètres de haut et deux mètres de large, à distance de 500 mètres, en permettant au soldat d’assurer son fusil sur un appui, et il s’est trouvé qu’avec cent cartouches beaucoup d’hommes logeaient cent balles dans les cibles. Pour le fusil Chassepot, la portée de but en blanc, que l’on peut regarder comme la portée normale, est réglée à 500 mètres, la portée absolue dépasse 1,000 mètres, l’arme n’a pas besoin d’être lavée avant d’avoir tiré 250 coups. Avec le même fusil, on a tiré consécutivement 1,000 et 1,200 coups sans qu’il se soit jamais produit aucune avarie.

Le fusil Chassepot peut donc soutenir très avantageusement la comparaison avec le fusil prussien. L’excellence de ses qualités