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son indépendance et sa sécurité, la France n’avait qu’à s’appuyer sur ces résistances, par lesquelles s’exprimait avec une invincible ténacité le libre génie des autonomies germaniques. Aussi les politiques français étaient-ils toujours prêts à soutenir ces efforts d’indépendance, sans s’inquiéter des dissidences religieuses, à une époque où pourtant les questions religieuses exerçaient un si grand empire sur les gouvernemens. Une inspiration pratique, qui était comme une voix secrète de la patrie, était toujours là, avertissant tous nos grands hommes, tous ceux qui ont fait la France, et leur apprenant à soutenir en Allemagne les élémens de résistance au pouvoir unique. Ainsi firent Henri IV, Richelieu et Louis XIV. Ainsi voulut faire Napoléon lui-même, qui compromit leur pensée en l’outrant avec son exagération ordinaire, lorsqu’il plaça l’Autriche et la Prusse en dehors de l’ancien empire et forma avec les petits états la confédération du Rhin. Il s’agit aujourd’hui de savoir s’il faut dire à jamais adieu à cette ancienne politique française; il s’agit de savoir quel sera l’avenir politique de la France en face de la nouvelle Allemagne que le gouvernement prussien entreprend de fonder par la guerre actuelle.

On devait prévoir que ce problème serait inévitablement posé par cette guerre, quelle qu’en pût être l’issue. Lors même que le sort des armes eût favorisé l’Autriche, l’Allemagne eût été placée sous une prépondérance qu’il eût été de l’intérêt de la France de contenir et de neutraliser. La politique autrichienne cependant, avec les complexités qui lui sont inhérentes, avec ses routines conservatrices, avec ses embarras de toute sorte, n’eût pu soumettre l’Allemagne à une centralisation unitaire; on eût facilement maintenu à son encontre le dualisme de la Prusse et les garanties des institutions fédérales. La victoire de la Prusse pose au contraire le problème de la façon la plus nette et la plus redoutable.

Que l’on compare en effet aux prétentions du gouvernement prussien l’état actuel de l’Allemagne. Il est incontestable qu’il y avait dans les élémens autonomiques de la confédération des moyens sérieux de résistance aux prétentions prussiennes. Malgré les fausses idées qu’on avait répandues en Europe sur les forces militaires de l’Autriche, l’armée autrichienne de Bohême présentait un rassemblement d’au moins 250,000 hommes. Les petites armées de Hanovre et de Saxe ont montré, l’une avant sa capitulation, l’autre à la journée même de Sadowa, qu’elles auraient pu apporter un appoint respectable à la résistance commune. L’armée bavaroise, malgré la lenteur de son organisation, prouve à contre-temps qu’elle n’était point indigne d’affronter les Prussiens. Le corps de l’armée fédérale chargé de la défense de Francfort pouvait remplir un rôle respectable dans une action concertée. Enfin, au-dessous de ces apprêts militaires, il régnait manifestement dans les populations de l’Allemagne méridionale un sincère esprit de résistance aux entreprises de la Prusse. L’événement a fait voir que les Allemands, livrés à eux-mêmes, n’ont point su ou n’ont point pu com-