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rectement par les forces propres de la raison humaine, et les vérités surnaturelles, qui ne sont connues que par la révélation, et auxquelles on ne croit, comme dit le catéchisme, qu’en vertu d’un don de Dieu qui est la foi. Les vérités morales et religieuses perçues directement par l’esprit humain sans le secours de la révélation sont le fondement de la société civile. Les vérités révélées sont le domaine du sacerdoce, qui affirme avoir reçu la mission de les conserver intactes, de les expliquer, de les enseigner. C’est sur cette distinction que repose la séparation de l’église et de l’état. Prenons pour exemple l’église catholique. Quel est son objet? De procurer aux hommes les moyens de salut en leur faisant connaître les dogmes et en leur administrant les sacremens qui fortifient les âmes et les élèvent à Dieu. Quel est d’autre part l’objet de l’état? Il n’est pas, quoi qu’on en dise, plus temporel, plus matériel que celui de l’église, car il consiste à procurer à l’homme la possibilité de développer toutes ses facultés, de tendre à sa perfection, en d’autres termes de faire son salut; mais la base de l’état et son mode d’action sont différens. C’est d’abord l’organisation de la justice qui permet à chacun de se procurer ce qui lui est nécessaire pour vivre, pour avancer dans la voie du bien-être et de la vertu; c’est ensuite la communication des vérités naturelles par l’enseignement laïque. Du moment qu’on repousse les doctrines théocratiques et qu’on admet l’état reposant sur la raison et les églises reposant sur la révélation divine, rien n’est plus facile ni plus essentiel que de respecter cette distinction dans l’école; il suffit de dire que l’instituteur enseignera la morale, et le prêtre le dogme. De cette façon nul empiétement n’est à craindre; chacun reste dans le domaine où il est souverain.

Je n’ignore pas qu’on soulève ici une grave objection. Point de morale, dit-on, sans religion. Or il n’appartient pas à l’instituteur de parler de religion, s’il n’est contrôlé par le prêtre. J’admets la première de ces affirmations, mais point la seconde, et je vais dire pourquoi. On soutient qu’il y a une morale indépendante, c’est-à-dire qu’en dehors de toute idée religieuse la notion du bien et du mal s’impose, et que l’homme trouve dans les commandemens de sa conscience une raison suffisante pour faire l’un et éviter l’autre sans croire à un Dieu et à une autre vie. Double erreur, semble-t-il, à en juger d’après la connaissance que nous avons de l’homme, de ses facultés, de ses instincts, de ses motifs d’agir, de son histoire ! Les deux grandes idées religieuses sont celles de Dieu et de l’immortalité de l’âme. Or supprimez la première, et la morale manque de base ; supprimez la seconde, et elle manque de sanction. S’il n’y a point au dehors et au-dessus des phénomènes de