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position de végétaux qui, pour être attachés à leurs devanciers, n’en vivent pas moins d’une vie indépendante, où chercher l’individualité végétale, où retrouver cette unité du principe vital que fait naître la notion d’individualité? La plante est une multitude, a dit Engelmann. Il faut donc, au milieu de cette multitude, de cette juxtaposition d’êtres vivans, éliminer, choisir, remonter d’organe en organe et chercher à l’origine de la vie végétale celui d’entre eux d’où paraît jaillir la première virtualité d’émission.

La solution de ce curieux problème a de tout temps préoccupé les botanistes philosophes. A travers mille oscillations et mille hypothèses, on le retrouve de toutes parts, chacun ayant fourni son idée ou le résultat de ses expériences sur cet organe élémentaire, sur ce principe premier d’où découle toute vie. Pour Goethe, c’est la feuille; pour Turpin, la cellule; pour d’autres, ce sont les pétales, les étamines ou les ovaires. Toute la série des organes est ainsi mise en réquisition. On s’accorde généralement aujourd’hui à dire que ce sont les gemmes ou bourgeons.

Cette dernière hypothèse n’est pas nouvelle : Hippocrate, avec la prescience du génie, affirmait, il y a plus de deux mille ans, que « le scion est comme un petit arbre; » mais cette idée s’était perdue comme tant d’autres qu’il a fallu retrouver périodiquement, et l’on peut considérer comme véritablement nouvelle la découverte qu’en ont faite les botanistes modernes. Ce serait, d’après eux, le phyton ou le phytogène qui serait l’individu végétal, c’est-à-dire ce corps qui, selon les circonstances diverses de chaleur, d’humidité, et surtout de situation, forme les bourgeons et se développe en un organe quelconque; c’est là le centre vital, la source originaire.

Dans cette agglomération de matière organisée qui constitue ce que l’on appelle un gros arbre, ce phytogène est donc l’élément qui renferme toutes les forces plastiques capables de reproduire et de transmettre la vie, celui qui virtuellement contient tout l’arbre. La plante n’a nullement été créé pour la formation du ligneux; cette accumulation, bien qu’elle réponde directement à nos vues utilitaires et aux besoins de l’industrie, est physiologiquement un résultat secondaire. Le ligneux est formé par les excrétions de la plante, qui réserve tous ses sucs élaborés et toutes ses énergies créatrices pour la reproduction de l’être qui doit survivre et assurer l’avenir. Les couches anciennes n’ont qu’un rôle tout passif; elles servent de support aux générations nouvelles, elles leur fournissent abri, protection et nourriture, comme un véritable terrain d’où émergent périodiquement les bourgeons nouveau-nés, de telle sorte que l’on peut répéter avec Dupont de Nemours que la plante n’est qu’un polypier aérien qui, par l’amoncellement annuel de ses débris organiques, nous rappelle ces autres polypiers du règne supérieur