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SYMPTÔMES DU TEMPS

LA RÉALITÉ DANS LE ROMAN.

Affaire Clemenceau, par M. Alexandre Dumas fils.

M. Dumas fils a triomphé des préoccupations publiques, et son roman a de quoi justifier le succès qu’il obtient. C’est un grand signe de force, dans une œuvre quelconque, quand l’auteur nous donne la sensation absolue, complète, de ce qu’il a voulu faire, avant que nous ayons l’idée de chercher à réagir contre ce qu’il a fait. Il sied donc dès l’abord de se mettre en garde contre cette envie de protester et de gémir, qui expose en pareil cas la critique à tant de déclamations inutiles. Assurément il y a dans l’Affaire Clémenceau des crudités de détail, des hardiesses d’exécution sur lesquelles nous aurons à nous expliquer. Cet art n’est pas le nôtre, celui de nos prédilections les plus chères et de nos meilleurs souvenirs. Dans le roman comme ailleurs, nos sympathies se mesureront toujours d’après la part plus ou moins large que l’auteur aura faite à l’idéal. Toujours nous préférerons l’analyse psychologique à ces études sur le nu, nous allions dire sur l’écorché, où l’observation physiologique ressemble à une opération chirurgicale.

Cet art existe pourtant, art très réel, trop réel même, et si la société refusait de l’accepter, il faudrait qu’elle refusât de se reconnaître. Incriminé par le ministère public, Pierre Clemenceau, le héros du livre de M. Dumas, ne peut manquer d’être acquitté par le jury : de même son récit, accusé