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Page:Revue des Deux Mondes - 1866 - tome 64.djvu/75

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LE NOUVEAU LOUVRE.

tres, dominant tout ce qui les entoure. On se croit dans la cour du Louvre, ou plutôt devant un simple calque du monument qu’on connaît, et quand l’erreur se dissipe, à mesure que se révèlent de regrettables différences, l’impression première n’en persiste pas moins : c’est de l’architecture copiée qu’on a devant les yeux, seulement avec un déplaisir de plus, les changemens, les fautes, les infidélités du copiste.

On prendrait pourtant son parti de ces deux pavillons, s’il n’y en avait pas encore un autre ; c’est le troisième qui comble la mesure et par bien des raisons. D’abord mettre en regard à si peu de distance trois simulacres du même monument, il y a de quoi le faire prendre en grippe. Un bon mot répété devient une sottise ; l’architecture a aussi ses bons mots. Ici notre grand grief n’est pas seulement cette faute de goût, cette imitation défectueuse, cette répétition monotone : c’est quelque chose d’infiniment plus triste, quelque chose d’irréparable, la destruction d’une œuvre unique en son genre, d’une œuvre que les amis de notre art national tenaient en haute estime, et qui donnait du talent de Lescot un sobre et vigoureux exemple, non moins précieux peut-être que son brillant chef-d’œuvre.

Qu’est-ce en effet que ce troisième simulacre du pavillon de la cour du Louvre, si ce n’est la face extérieure de ce pavillon même mutilée, transformée et devenue par une sorte de placage à peu près identique à sa face intérieure ? L’intention de Lescot, conforme à toutes nos traditions françaises, était qu’entre le dedans et le dehors de son palais le contraste fût très accusé : à l’intérieur, la grâce, l’élégance, la richesse ; à l’extérieur, la force, la puissance, le souvenir du château fort. Ce pavillon si ferme, si robuste et en même temps si élancé, sans autres ornemens que ces longues chaînes de pierre protégeant ses arêtes, avait presque l’air d’un donjon. Il s’élevait au centre d’une façade simple et mâle elle-même, percée d’ouvertures assez rares pour ménager de grandes parties pleines qui donnaient l’impression du calme et de la force. Rien de tout cela ne subsiste aujourd’hui. Il n’y a plus ni dedans ni dehors. Le pavillon sur ses deux faces est habillé de la même façon : des deux côtés, c’est la même parure, ou plutôt l’extérieur, par un renversement des rôles, semble moins ferme, plus orné, moins sévère que la face opposée. On a efféminé ce pauvre pavillon en le fondant en quelque sorte dans les deux avant-corps qui lui sont contigus. Ces deux petites constructions, servant de cages aux escaliers, avaient besoin sans doute d’être un peu retouchées : elles étaient percées d’ouvertures se raccordant trop mal avec le reste de la façade ; mais, tout en modifiant ce détail, il fallait respecter