Page:Revue des Deux Mondes - 1866 - tome 64.djvu/992

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

excès de terreur; les autres l’ont laissé languir dans une prison perpétuelle. La vérité, c’est que Saint-Vallier n’obtint que par degrés son pardon. La peine de mort fut en premier lieu remplacée par la détention perpétuelle. « Ladicte peine de mort, lisons-nous dans les lettres de rémission, avons de notre certaine science, grâce spéciale, plaine puissance et auctorité royale, commué et commuons en la peine cy-après déclarée, c’est assavoir qu’icelluy de Poitiers sera mis et enfermé perpétuellement entre quatre murailles de pierre, massonnées dessus et dessoubz, esquelles n’y aura qu’une petite fenestre par laquelle on luy administrera son boire et menger, demeurant au reste le contenu en l’arrest de ladicte court, » Est-ce là le pardon d’un prince qui aurait été amoureux de Diane, et M. Guiffrey n’a-t-il pas raison de dire que cette avare clémence qui ne lâche point sa proie et la laisse vivante pour la mieux tourmenter ne peut être la récompense du sacrifice qu’une des plus belles et des plus nobles femmes du royaume aurait fait de son honneur? Peut-on supposer que, si Diane avait été la maîtresse de François Ier en 1523, son père n’aurait été réintégré dans ses biens et honneurs que plus de quatre ans plus tard, au mois d’août 1527?

En résumé, nous pensons que M. Guiffrey a justifié l’assertion ainsi émise par la biographie Michaud: « la grande-sénéchale ne donna aucune prise sur sa conduite tant que vécut son mari. « Devenue veuve en 1533, elle ne tarda pas à faire parler d’elle, et il s’est engagé entre plusieurs érudits une assez vive controverse pour savoir si la célèbre favorite avait été la maîtresse de François Ier avant d’être celle de Henri II. Les partisans de l’affirmative invoquent ce passage de la relation d’un ambassadeur vénitien, Lorenzo Contarini, qui écrivait à son gouvernement en 1552 : « La personne que sans nul doute le roi aime et préfère, c’est madame de Valentinois. C’est une femme de cinquante-deux ans, autrefois l’épouse du grand-sénéchal de Normandie et fille de M. de Saint-Vallier, laquelle, restée jeune et belle, fut aimée et goûtée du roi François Ier et d’autres encore, selon le dire de tous; puis elle vint aux mains de ce roi (Henri II), lorsqu’il n’était que dauphin. « Il ne faut point, sur une simple insinuation du médisant ambassadeur, ajouter foi à cet amour du père et du fils pour la même femme, car aucun témoignage sérieux ne prouve cette double passion. Au surplus, que la favorite de Henri II ait été, oui ou non, l’objet d’un des nombreux caprices de François Ier, c’est là une question de médiocre intérêt. Diane n’est pas une de ces figures respectables qu’on veut voir entourées comme d’une auréole. Il est certain qu’elle était bien en cour sous le règne de François Ier ; mais jusqu’où allait cette faveur, c’est ce qu’il est impossible d’affirmer sur de simples présomptions. Rien d’ailleurs ne serait moins étonnant que l’amour du roi-gentilhomme pour la belle sénéchale. Diane de Poitiers était alors une de ces veuves séduisantes dont le deuil est un attrait de plus et qui affichent leur douleur