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L’ARMÉE PRUSSIENNE EN 1870.

à la sauvegarde de l’indépendance nationale avaient singulièrement amorti l’enthousiasme des premiers jours. La landwehr tendait à devenir une milice civile de moins en moins susceptible de s’astreindre à la discipliné et à la passive obéissance qu’on exige d’une force armée. Les ardeurs du sentiment germanique se traduisaient presque uniquement par des manifestations dans la vie civile, et l’esprit militaire était visiblement en déclin. En 1848, le gouvernement prussien, tout d’un coup aux prises avec de graves embarras intérieurs et extérieurs, comprit qu’il ne pouvait y faire face avec les soldats de son armée active : il mobilisa la landwehr. Il n’eut pas à se féliciter du résultat de cette mesure. Les hommes arrachés à leurs foyers se prêtaient à contre-cœur au service actif qu’on exigeait d’eux. Ils n’avaient pas de liens avec les autres troupes du corps d’armée auquel on les incorporait. Il fallut verser dans leurs bataillons un assez grand nombre d’officiers de la ligne dont on ne tarda pas à regretter l’absence au milieu des hommes qu’ils étaient appelés à commander. Malgré les efforts partiels tentés pour atténuer les inconvéniens d’un pareil état de choses, lorsqu’on voulut mobiliser l’armée en 1859, les hommes compétens conservaient de sérieuses inquiétudes sur la solidité des troupes prussiennes dans l’hypothèse d’une longue guerre. Le prince-régent, devenu roi peu de temps après, le 2 janvier 1861, introduisit les réformes que l’on appelle la réorganisation de 1860. Décidé à faire de son armée le principal appui de son trône, le roi Guillaume voulut, en cas de mise sur le pied de guerre, pouvoir composer ses effectifs de troupes ayant déjà passé par l’école de l’armée de ligne. Jusqu’en 1860, les hommes du contingent accomplissaient rarement les trois années de service que la loi leur imposait. Beaucoup d’entre eux demeuraient toujours dans leurs foyers, et en 1850 la proportion de l’armée relativement au chiffre de la population était tombée à 0,79 pour 100. À partir de 1860, on revient à l’ancienne proportion de 1 pour 100. Le contingent annuel est élevé de 40,000 à 63,000 hommes, et désormais, par une série d’ingénieuses combinaisons, on réussit à incorporer dans l’armée active, ne fût-ce que pour un temps, la grande majorité des jeunes gens de dix-huit ans en état de porter les armes. Jusque-là, sous le régime de la loi du 3 septembre 1814, les hommes enrôlés devaient à l’état cinq années de service, dont trois de présence effective sous les drapeaux et deux de réserve. Désormais le service dans la réserve fut porté à quatre années.

Cette prolongation des obligations actives du service militaire d’une part, de l’autre l’appel annuel d’un contingent plus considérable ont été sans doute des charges lourdes, mais le pays a pu y trouver une compensation dans une plus grande sécurité. Sous le