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prendre son point d’appui sur le bord même d’un énorme panier d’osier doublé d’une caisse de zinc et rempli de son. Sous la bascule et la lunette s’étend une auge de forme oblongue ; devant les poteaux, on place une sorte d’appareil qui ressemble à un dossier de baignoire, afin que si, par suite d’un faux mouvement, la tête échappe à l’aide chargé de la tenir, elle ne roule pas sur l’échafaud, et ne soit point aperçue du public. Tout l’instrument et les ustensiles accessoires sont peints d’une désagréable couleur sang de bœuf tirant sur le chocolat.

La bascule est garnie d’une double courroie armée de boucles afin de neutraliser la résistance possible du patient ; mais on ne s’en sert jamais, La demi-lune supérieure s’abat brusquement à l’aide d’un mécanisme fort simple mis en œuvre par un bouton qu’on n’a qu’à pousser ; le glaive est fixé au chapeau dans une pince en forme de 8 dont la partie inférieure s’ouvre quand la partie supérieure se ferme ; un cordon d’appel correspondant à un bec de cane, placé au-dessus et tout près du bouton de la demi-lune fait jouer un levier qui, rapprochant les deux branches supérieures de la pince, force les branches inférieures à s’écarter ; la tête du mouton glisse dans l’intervalle ouvert, et le glaive, précipité par la masse qui le surmonte, tombe avec une rapidité foudroyante qu’accélère encore l’action de galets de fer poli roulant dans des rainures de cuivre fixées le long des poteaux et faisant corps avec eux. Dans sa chute, il rase précisément la surface externe de la lunette, et vient prendre appui, par les bords plus étendus du mouton, sur deux ressorts à boudin surmontés d’un fort dé en caoutchouc qui amortit le choc et en neutralise le bruit. On comprend dès lors avec quelle sécurité, avec quelle simplicité, l’œuvre terrible de la justice peut s’accomplir. Le condamné, parvenu sur l’échafaud, se trouve debout devant la bascule verticale, qui lui vient, d’une part, au-dessus des chevilles, de l’autre, à moitié de la poitrine ; en face de lui s’ouvre la lunette, dont la portion mobile est relevée. L’exécuteur pousse la bascule, qui s’abat, la roule ; la tête semble se jeter d’elle-même dans la baie semi-circulaire, un aide la saisit par les cheveux. Il reste deux gestes à faire, l’un qui presse le bouton de la demi-lune, immédiatement abaissée sur le cou du malheureux, — l’autre qui, tournant le ressort du glaive, le détache. La tête, séparée vers la quatrième vertèbre cervicale, est lancée dans le panier, pendant que l’exécuteur, d’une seule impulsion de la main, y fait glisser le corps sur le plan incliné. La rapidité de l’action est inexprimable, et la mort est d’une telle instantanéité qu’il est difficile de la comprendre. Le glaive oblique et alourdi de plomb agit à la fois comme coin, comme masse et comme faux ; il tombe d’une hauteur de 2m,80 ; il pèse 60 kilogrammes, ce qui, en tenant compte de l’action de la