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fédéral ? Ce n’est ni une chambre des lords, ni une chambre des pairs, ni un sénat, ni une délégation des parlemens particuliers des états. Il se compose des gouvernemens eux-mêmes, représentés par des commissaires. Le Reichstag peut voter tout ce qu’il lui plaira ; les gouvernemens, par l’organe de leurs mandataires, votent à leur tour, et il n’y a de lois possibles dans le Nordbund que celles qui agréent à la majorité des gouvernemens.

Pénétrons plus avant dans ce labyrinthe. La confédération comprenant 22 états, le conseil fédéral compte 22 votans ; mais ces 22 votans ne sont pas sur un pied d’égalité, ils n’ont pas également voix au chapitre. La Prusse à elle seule a 17 voix, ou, pour mieux dire, sa voix vaut 17. La voix de la Saxe vaut 4, la voix de Mecklembourg-Schwerin, comme celle de Brunswick, vaut 2, la voix de chacun des autres états ne vaut que 1. Le total étant de 43, pour avoir la majorité, qui est de 22, il suffit à la Prusse que cinq des plus petites principautés, de celles qui lui sont tout acquises, votent avec elle, et son vote l’emportera sur celui des seize autres gouvernemens réunis. Ajoutons qu’en vertu d’un amendement émané du Reichstag constituant, dans les questions de première importance, c’est-à-dire en tout ce qui concerne l’organisation militaire, la voix de la présidence ou de la Prusse est décisive, fût-elle seule contre 21, si elle se prononce pour le maintien des institutions établies. — « Il était bon, s’écrie un des plus chauds admirateurs de la constitution fédérale, qu’en théorie la Prusse pût à toute rigueur se trouver en minorité ; il était plus important encore qu’en fait, cela fût impossible, et c’est à quoi la constitution a pourvu. » Nous avions tort de dire tout à l’heure qu’il n’y a de lois possibles dans le Nordbund que celles qui agréent à la majorité des vingt-deux gouvernemens ; il fallait dire : Dans le Nordbund, les lois sont votées par le gouvernement prussien. Le Reichstag propose, le Bundesrath, c’est-à-dire la Prusse, dispose, ou plutôt le Reichstag ne propose guère ; il se contente d’émettre des vœux et d’exercer la seule de ses prérogatives que les autres et lui-même prennent au sérieux, son droit de veto. N’allons pas trop loin. M. de Bismarck a prévu le cas où l’initiative du Reichstag pourrait servir ses desseins. Il lui conviendrait, par exemple, que telle motion, menaçante pour la paix de l’Europe ou dangereuse pour ce qui peut rester d’indépendance aux petits états du nord, émanât de l’assemblée élective et parût sortir des entrailles du peuple ; cette motion, si elle flattait les passions prussiennes, rallierait facilement la majorité dans une chambre où les Prussiens forment les quatre cinquièmes. M. de Bismarck se laisserait faire une douce violence ; il dirait : J’en suis fâché ; mais ce que le peuple veut, Dieu le veut.