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Page:Revue des Deux Mondes - 1870 - tome 85.djvu/428

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autre côté, les grandes industries textiles commencent à jeter dans les vallées ou sur les plateaux quelques vastes établissemens. L’industrie domestique du lin et du chanvre ne pourra éternellement durer. Quant à la soie, on commence, même de l’autre côté des Alpes, à la travailler par des procédés automatiques ; on comptait en 1863, en Italie, 394 filatures de soie mues à la vapeur. Ainsi les transformations du milieu social et industriel, par une force invincible, réagissent sur les contrats agraires et sur la situation des populations rurales.

La dernière région dont se compose la Toscane est formée de ces vastes plaines qui occupent toute la partie méridionale jusqu’à la mer et à la frontière romaine. Elles ont reçu le nom générique de maremmes. Sur une étendue de près de 1,500 kilomètres carrés, elles présentent le caractère de la plus grande solitude. L’on n’y compte en général que 40 habitans par mille (1,653 mètres), soit environ 24 habitans par kilomètre. Il est même des districts qui sont encore moins peuplés. Le pays est sillonné par de grandes ondulations semblables aux vagues de la mer. Des prairies immenses en partie submergées, d’impénétrables forêts de pins, de chênes ou de chênes-lièges, interrompues par d’énormes clairières ou par des étangs et des marais, tel est le spectacle qu’offre une nature abandonnée à elle-même, qui semble retourner vers cet état primitif où les eaux et la terre, confondues ensemble, formaient une masse marécageuse impropre au travail et à la résidence de l’homme. Ces terrains, ainsi couverts de maigres pâturages et de fourrés épais, constituent ce que les Italiens appellent des macchie, d’où nous avons formé le mot de maquis. Ils servent à la pâture d’innombrables troupeaux de moutons, de chevaux ou de bœufs. Ces animaux errent à l’état presque sauvage dans ces vastes solitudes, sous la surveillance de quelques centaines de pâtres nomades et de bergers voyageurs ; ils restent l’hiver seulement dans ces plaines, et vont passer l’été sur les biens communaux des montagnes. Ils appartiennent, non au propriétaire du sol, mais à des entrepreneurs qui louent, moyennant un prix fixé par tête de bétail, le droit de pâture dans ces régions presque désertes. Le climat des maremmes passe pour un des plus beaux de l’Italie ; les chaleurs de l’été y sont tempérées par les brises de mer, les froids de l’hiver n’y sont pas rigoureux, les pluies y suffisent à faire pousser une herbe excellente pour les troupeaux ; elles ne sont pas excessives au point d’entraver les travaux des champs ou de l’industrie. La fécondité naturelle du sol, quoique non stimulée par la main de l’homme, y est des plus grandes ; les richesses minérales y abondent, et cependant le pays reste désolé : c’est que la malaria y règne. Dans les maremmes, dit le proverbe toscan, on s’enrichit en un an, mais on