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Page:Revue des Deux Mondes - 1870 - tome 85.djvu/459

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de régulariser la torréfaction par ce combustible léger exposait à des dangers d’incendie, en sorte que l’application de ce procédé se trouva limitée au grand vaisseau de la marine royale qui avait servi à l’expérience. Les choses en étaient là lorsqu’un ingénieur français, M. de Lapparent, inspecteur-général des constructions navales, imagina une méthode générale de conservation du bois par la torréfaction à l’aide de la flamme du gaz d’éclairage. Le flambage et l’assainissement de la cale des navires en particulier devinrent dès lors d’une application facile et régulière. Il suffit en effet de disposer sur le pont ou sur le quai voisin deux gazomètres remplis l’un de gaz et l’autre d’air comprimés ; deux tubes flexibles en caoutchouc vulcanisé amènent ensemble au bec du chalumeau inventé par M. Desbassayns les deux gaz, dont on règle à volonté le courant à l’aide de robinets. En enflammant le mélange gazeux, on produit un dard de flamme que l’on promène lentement sur la surface à carboniser, après avoir, comme à l’ordinaire, nettoyé le bois par des aspersions d’eau plusieurs fois répétées.

On peut de la même manière et sans plus de difficulté flamber la surface extérieure des vaisseaux, avant de la recouvrir des armatures en fer qui doivent protéger les navires cuirassés. Depuis plusieurs années cette méthode ingénieuse de flambage des bois a été adoptée par l’administration de la marine impériale ; elle est appliquée dans nos ports et permet d’assainir promptement la cale des bâtimens de l’état au retour de grands voyages ou d’excursions répétées. On se sert encore du même procédé pour donner plus de durée aux traverses des chemins de fer et aux poteaux télégraphiques ; il est même, dans ce cas, d’une application plus économique par l’emploi d’un fourneau mobile où la combustion soit du coke, soit des houilles sèches, est activée par une forte insufflation d’air et par l’injection d’un très léger filet d’eau. Cet appareil est de l’invention de M. Hugon, l’habile directeur de l’usine à gaz portatif de Paris.

Nous venons de voir que parmi les produits goudronneux de la torréfaction du bois il se rencontre un agent antiseptique très remarquable. Divers produits dérivés du goudron de la houille[1] ont

  1. Les principaux produits tirés du goudron de houille (coal-tar) peuvent être rangés dans trois séries comprenant 19 hydrocarbures ou carbures d’hydrogène neutres, 10 composés alcalins et 2 acides. Dans la première série se rencontre la benzine, que l’on utilise pour dissoudre et enlever les taches de matières grasses, pour fabriquer, en dissolvant ou gonflant le caoutchouc, les étoffes imperméables et pour préparer l’aniline. Dans la deuxième série se trouve l’aniline, la base des couleurs les plus brillantes que l’on connaisse, moins solides, il est vrai, que l’indigo, la garance et la cochenille. La troisième série renferme la créosote et l’acide phénique, avec lequel on prépare aussi de brillantes couleurs et qui constitue l’agent antiseptique le plus riche d’avenir.