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CHRYSOSTOME ET EUDOXIE.


ture, chaque sexe a sa destination particulière et sa sphère d’action distincte : à la femme les occupations domestiques, à l’homme les affaires du dehors, l’administration de la cité et les disputes de l’agora ; mais dans les labeurs qui ont Dieu pour objet, dans les combats de l’église, la distinction s’efface, il arrive même souvent que la femme l’emporte sur l’homme en vaillance dans la lutte, en sainte opiniâtreté dans les fatigues. C’est ce que nous apprend saint Paul dans l’épître écrite à votre patrie, lorsqu’il comble de louanges un certain nombre de femmes, témoignant qu’elles n’ont pas peu concouru à la conversion des hommes. Vous me demanderez pourquoi ce langage ? C’est afin que vous ne considériez pas comme étrangers à votre sexe le zèle et les travaux qui tendent au bien des fidèles, mais que vous fassiez au contraire tous vos efforts pour calmer, soit par votre influence, soit par celle des personnes dont vous disposez, la tourmente générale qui désole les églises d’Orient. Voilà l’occupation, voilà le soin diligent que je réclame de vous ; car, plus atroce est la tempête, plus précieuse sera la récompense, quand vous aurez contribué à rétablir le calme. »

II.

Si la condamnation de l’archevêque de Constantinople par deux conciles et son appel à l’église occidentale avaient ému profondément cette église, ce fut bien pis lorsqu’on y apprit son expulsion violente nonobstant l’appel, — son exil, l’embrasement de Sainte-Sophie et la procédure criminelle intentée contre lui. La relation calomnieuse envoyée à Rome par Acacius et signée de cet évêque et de ses amis, relation où Chrysostome était signalé expressément comme l’auteur de l’incendie, jeta d’abord le pape Innocent dans une grande perplexité : c’étaient des évêques qui écrivaient, des évêques qui se portaient garans du fait, et l’évêque de Rome, toujours prudent, crut devoir attendre de nouveaux éclaircissemens avant de pousser plus avant son projet de concile œcuménique. Les éclaircissemens affluèrent de toutes parts. Il y eut en premier lieu une lettre du métropolitain de Thessalonique, attestant, de concert avec tous les évêques de Macédoine et d’Achaïe, l’innocence de l’inculpé ; ce fut ensuite une masse d’émigrans laïques ou ecclésiastiques de tout ordre arrivant de la métropole orientale les mains pleines de lettres ou de documens d’une authenticité incontestable. Palladius d’Hellénopolis, échappé aux inquisiteurs schismatiques, fit connaître le décret impérial ordonnant la confiscation des maisons dans lesquelles serait trouvé un évêque ou un clerc joannite. Le prêtre Germain et le diacre Cassien, les mêmes qui,