Page:Revue des Deux Mondes - 1870 - tome 85.djvu/635

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
629
LES MIGRATIONS VÉGÉTALES.

par la puissance divine, et que le monde organique actuel n’avait pas d’ancêtres. L’homme était le centre et le but de cette création providentielle. La plupart des naturalistes du dernier siècle avaient souscrit à ces articles de foi sans songer à les discuter. On ne le pouvait guère à cette époque ; la géologie n’était pas encore née, elle ne nous avait pas encore appris à lire dans le passé de la terre. Les feuillets dont se composent les couches terrestres n’avaient point été dépliés ; c’était un livre fermé, enfoui sous nos pieds, et dont on soupçonnait à peine l’existence. À présent, ce livre est entr’ouvert ; nous en avons déjà déchiffré assez de mots pour savoir que la création actuelle n’est qu’un des termes de la longue série de transformations qui, commençant aux premiers âges de la terre, se continuera aussi longtemps que notre planète sera réchauffée par les rayons du soleil, source unique de la vie à la surface du globe. Si donc on peut affirmer que, depuis les temps historiques, la flore spontanée de la terre a peu changé, on n’oserait plus soutenir qu’il n’en a jamais été autrement. L’époque historique n’est qu’un moment bien court dans la vie du globe, et les temps antérieurs sont plongés dans une nuit profonde. La tradition est muette, même sur les habitans des cités lacustres, pourtant si rapprochés de nous. Les débris enfouis dans les lacs et les tourbières jettent seuls quelques lueurs sur leur mode d’existence. À plus forte raison, tout ce qui précède relève uniquement des sciences naturelles. Où l’histoire finit, la géologie commence. Heureusement les couches des terrains sédimentaires nous ont conservé l’empreinte des végétaux et les os des animaux qui vivaient à leur superficie. En consultant ces herbiers et ces ossuaires fossiles, nous pouvons ressusciter les flores et les faunes des temps passés. Cette étude nous enseigne que la végétation actuelle est la continuation des végétations antérieures, modifiées par les changemens physiques dont notre globe a été le théâtre, par les climats divers qui se sont succédé, et plus récemment encore par l’action de l’homme, dont la puissance devient d’autant plus irrésistible que son empire s’étend davantage. En un mot, les populations végétales peuvent être assimilées aux populations humaines, dont l’origine remonte également bien au-delà des époques historiques. Une comparaison éclaircira ma pensée et fixera mieux celle du lecteur.

Si l’on se demande quelle est l’origine et la composition de la population qui habite la France méditerranéenne, l’histoire nous répond que Marseille a été fondée par les Phéniciens. Avant l’arrivée des Phéniciens, le pays était peuplé par les descendans de ces hommes primitifs qui vivaient dans les cavernes, où ils ont laissé des silex taillés, des haches, des pierres polies, avec les débris d’a-